VENDREDI

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LES CAFES DU PORT

  La vie de Paul semblait avoir pris un tournant décisif.
Une page était peut-être tournée.
L'épisode de la vie avec Paulette, Bébé, LeChien était peut-être fini.
Quelle révolution !
Quelles nouvelles perspectives !
Incroyable ce qui arrivait là. L'avait-on réellement voulu ? Même pas!!!
Il n'empêche que Paul était temporairement redevenu célibataire.
Il en profita pour sortir de la maison, pour s'aérer, pour penser à autre chose.
Il s'était installé au soleil, à la terrasse du Café de la Marine.

  "Un café, s'il vous plaît ?"

Il venait de commander une consommation.
La pendule annonçait 14 heures. Le calendrier affichait Vendredi.
     Sur le carré du port, les bistrots offraient leur tignasse au solfège.
Pardon ? Qu'est-ce qui nous prend ? Qu'est-ce qu'on vient d'écrire ? C'est incroyable ! C'est insensé ! Nous voulions dire : offraient leur terrasse au soleil.
Nous demandons solennellement à messieurs les mots de bien vouloir ne pas prendre la liberté de désobéir à la directive humaine. Sinon ?

Sinon rien.
Entre les terrasses et la mer, il y avait la promenade offerte aux flâneurs lesquels circulaient consciencieusement afin de bien remplir la fonction déambulatoire qui leur était dévolue.
Depuis le début de la saison d'été, les fauteuils et les tables gagnaient sur la promenade et se rapprochaient de la mer. Comme au jeu des petits chevaux, chaque commerce essayait de concurrencer le voisin dans son avancée. Le passage des promeneurs, large qu'il était au mois de juin, s'était rétréci au mois de juillet.
Alors chacun se mettait à penser à une même chose. Mais qui oserait le premier ? Qui le premier barrerait totalement le passage ?
Les passants envisageaient l'idée avec crainte. Etant en transit, il se sentaient en piètre situation, un peu comme des débiteurs ou comme des locataires et avec la conscience d'être de simples individus isolés et inorganisés sans aucun pouvoir. Bref ils n'étaient pas loin d'accepter la capitulation, d'obéir à qui serait plus fort qu'eux, et même à s'excuser d'être là, alors que oui, ils auraient très bien pu porter leurs guêtres ailleurs.
Les cafetiers, au contraire, présents du matin jusqu'au soir sur leur lieu de travail, avaient fini par considérer que le prolongement de leur emplacement devait sans doute leur appartenir. L'habitude d'y travailler suffisait peut-être à leur conférer la qualité de propriétaire. Dans cette hypothèse, il faudrait penser ajouter au code civil un article en ce sens dans le chapitre consacré aux moyens d'acquisition de la propriété.
C'est que la terre appartient bien sûr à tout le monde, mais souvent davantage à certain.
Au fil des jours, cette impression se renforçait au point de devenir certitude. Dès lors la chose était entendue et le promeneur devait choisir : soit devenir un client, soit accepter d'être un intrus empêcheur de consommer en rond.

LA RENCONTRE

     "Un café crème avec un croissant, s'il vous plaît."
Une voix féminine venait à son tour de passer commande d'une consommation à la table à côté.
Paul releva la tête et aperçut en face de lui une jeune fille d'une vingtaine d'années, jolie, brune, les yeux noirs. Sa bouche était pulpeuse et surdimensionnée sans qu'on pût affirmer définitivement qu'elle en fût disgracieuse et nier qu'elle apparût appétissante. Non, ce n'était pas Julia Roberts.
Elle portait un tee-shirt bleu très collant et une mini jupe en cuir noir dénudant des cuisses délicieusement galbées. Il n'y avait aucune culpabilité à admirer l'exposition des jambes ainsi offertes. Non, ce n'était pas Sharon Stone. Encore que.
Son corps était sportivement musclé sans exagération. Sa croupe, un rien callipyge. Non, ce n'était pas Jennifer Lopez.
A son cou, au bout d'une chaîne, était suspendue une petite main de fatma.
Paul, sans trop y faire attention, sans même le vouloir, par le seul équilibre des positions et des emplacements, constatait que son regard était naturellement dirigé vers les genoux de la voisine. C'en était presque gênant. Il craignit de provoquer quelque courroux en face. Il songeait à se déplacer un peu.
Mais voilà que la jeune personne sembla montrer de l'amusement à la chose et même lui adressa un sourire encourageant. Plus encore, elle s'amusa à décroiser ses jambes puis à les recroiser en sens inverse, dans un vaste et lent mouvement, semble-t-il davantage pour se faire admirer que pour palier à un banal engourdissement des membres.
Alors là, stupeur ! Paul sentit son souffle se couper.
Avait-il bien vu ? Etait-il l'objet d'une obsession scabreuse.

C'est que l'instant avait été très court. Et pourtant, dans sa rétine restait gravée une image sacrilège.
Dans le croisement précédent, la vision avait plongé dans l'intimité féminine la plus profonde que ne protégeait aucun tissu protecteur et qui dévoilait donc, dans le plus grand naturel, son broussailleux mystère.
Pendant le mouvement, la jeune femme n'avait cessé de sourire, peut être à la simple idée de sa folle audace, à moins que ce ne fut à cause de l'expression troublée voire ahurie de son admirateur.

Pour corser l'affaire et pour affirmer plus totalement sa maîtrise et sa témérité, elle décroisa définitivement ses jambes, les laissa entrouvertes légèrement dirigées vers le haut et s'immobilisa dans cette position pour le moins exhibitionniste.
Paul n'osait plus bouger. Il ne pouvait pas ne pas regarder et ne pas voir. Dans le fond de l'entonnoir apparaissait une fourrure noire étonnamment et anormalement abondante. Au milieu de ce moelleux tapis, une plus grande concentration de la chevelure traçait un sillon plus ombré, comme si on eut arrangé une raie avec un peigne alors qu'il ne s'agissait pourtant que d'un très naturel relief. On croyait voir une vallée s'entrouvrir. Une rivière coulait-elle dans le vallon ?
Pendant le même temps, la jeune femme nous regardait moqueusement dans les yeux comme pour apprécier le degré de surprise qu'elle pensait à juste titre avoir provoqué.
Alors, il fallait faire quelque chose, prendre une initiative. Mais laquelle ?
L'invitation était trop originale et trop directe pour rester sans réponse.
En premier, et dans ce lieu public, on pouvait commencer par faire connaissance. Ce serait toujours une bonne chose de faite.
Paul se souvint être spécialiste de la citation cinématographique, ainsi qu'on avait pu le vérifier précédemment. Il trouva inspiration, cette fois ci, dans "Les Enfants du Paradis" de Marcel Carné
"Ne dites pas non, vous avez souri."
Si Paul confirma avoir bien remarqué le sourire, il n'osa pas, par contre, faire état de l'étonnante vision tellement il paraissait difficile de l'introduire dans la conversation.
Dans le même temps, d'ailleurs, il pouvait constater que loin de se refermer l'écartement érotique s'entêtait à se faire plus excitant à cause de quelques mouvements ondulatoires sur la chaise.
Paul s'effraya de penser que les voisins de la terrasse du café allait peut-être faire la même découverte que lui. Peut-être déclencher le scandale. Mais rien ne se passait. Il en conclut qu'il devait être le seul récipiendaire du spectacle.
"Pardon ?"
"Je disais que je vous trouve très sympathique et que je désirerais me présenter à vous"
"Si vous voulez."

LA PRESENTATION

     "Voila. J'ai 32 ans et suis natif de Coulonges sur l'Autize. J'exerce périlleusement la profession de professeur vacataire à l'Institut. je me nomme Paul Ropor.
En réalité, je ne suis pas très fier ni très sûr de mon nom.
Evidemment, Paul Ropor correspond à l'identité de mon état civil telle qu'elle est consignée sur ma carte d'identité, mon permis de conduire et mon passeport ainsi que sur le livret de famille de mes parents.
Mais, à la vérité, certains éléments troublants jettent une suspicion sur l'authenticité de la chose.
Il faut préciser par exemple que nombre des documents officiels cités plus haut sont périmés depuis belle lurette.
Il y a aussi qu'il est tout de même étrange qu'en matière de livret de famille, ce soit le fascicule d'un tiers, même s'il s'agit d'un proche, qui fasse autorité pour une identification qui vous concerne.
Comme le dit Cioran dans "De l'inconvénient d'être né" : "Certains matins, à peine ai-je mis le pied dehors, que j'entends des voix qui m'appellent par mon nom. Suis-je vraiment moi ? Est-ce bien mon nom ?"
Enfin, ce nom m'a été‚ attribué sans qu'il me fut demandé mon avis, et pour cause, tant et si bien qu'une intime conviction a grandi en moi, à savoir qu'il n'était peut-être pas fait pour ma personne, qu'il était inapproprié pour moi ou alors qu'une erreur était intervenue quelque part et qu'une usurpation d'identité s'était possiblement produite.
Cette impression ne s'appuie actuellement et malheureusement sur aucune preuve tangible, mais c'est une croyance intime qui se renforce chaque jour, et je prétends que, bientôt, je serai en état d'apporter des éléments nouveaux et surprenants à ce sujet.
De plus, avant hier, en conduisant ma voiture sur l'autoroute, un événement exceptionnel s'est produit que je n'ai absolument pas pu expliquer et dont je voudrais vous entretenir plus tard, sans toutefois vouloir abuser de votre patience à mon égard.
Enfin, j'ai la ferme intention un jour prochain d'écrire un article, une nouvelle ou même un roman. J'ai déjà décidé de choisir un pseudonyme pour la signature. Cette décision n'a rien d'original et demeure de pratique courante. Pourtant elle m'apparaît comme une réelle aventure. En effet, il est possible de penser que non seulement ce sera un moyen facile d'échapper pour une fois à mon identité d'origine, mais que de plus, dans le fond de ma subconscience, et de façon principale, l'écriture en question n'aura été, peut-être, que le moyen, le choix, voire la volupté, d'adopter un nom d'emprunt. Bref, cela me conduit à conclure que si je suis bien Paul Ropor, à vrai dire, je n'en suis pas totalement certain, mais, qu'en tout état de cause et transitoirement, le mieux sera de faire comme s'il en était ainsi. Il ne me reste plus qu'à vous demander de bien vouloir excuser la longueur et l'imprécision de mon propos. "
Ouf.

Paul respira un grand coup après cette longue harangue, heureux d'avoir pu aller jusqu'au bout, mais inquiet d'avoir pu paraître rébarbatif et abstrait.
Etait-ce un moyen moderne d'entrer en contact avec le sexe opposé ? On peut en douter.
Cette digression lui avait tout de même permis de retrouver une certaine décontraction après l'émotion précédente.
Un nouveau coup d'oeil sur les genoux de sa partenaire lui confirma que le spectacle continuait.
Son trouble ne fit qu'augmenter. Il y avait de quoi. Voici qu'en plein milieu de la noire intimité apparaissait un point de brillance. Comme de l'or. Oui, c'était bien un anneau en or. Il était bien accroché comme pour fermer l'ouverture. N'entre pas qui veut dans l'île au trésor.
"Monsieur Paul, vous constaterez que je ne vous appelle pas Ropor, soyez pardonné sans crainte et permettez-moi à mon tour de vous parler de moi."
"Avec plaisir."
"J'habite actuellement Paris. J'exerce la profession de conseillère d'orientation dans un lycée. A ce titre, je suis chargée de mettre sur le bon chemin ceux qui vagabondent ailleurs. La chose est courante. Avec de l'habitude, une solide documentation et une bonne boussole, je prétends qu'il est nécessaire de montrer la bonne route et d'aider les personnes égarées.
Je ne suis pas mariée ce qui fait dire à certains que je suis probablement célibataire.
Je me nomme Aïsha. Je suis une bonne musulmane, encore que certains barbus déclarent le contraire.
Mon profil psychologique est celui d'une secondaire-active-non émotive.
J'ai deux passions musicales dans des genres différents d'ailleurs : Oum Kalsum et Dutilleux.
La pratique du Tai-ji m'est habituelle depuis mon séjour à Chong-Quing.
La vie à la campagne, saine et naturelle, m'attire beaucoup, peut-être à cause de mes souvenirs d'enfance où toute la parentèle se retrouvait au bled en Algérie pendant les vacances.
Je suis actuellement en congé pour un semaine. Ces vacances à Toulon, au bord de la mer, m'apportent un relaxation générale du corps à cause de la douceur des bains de mer, ainsi qu'un enrichissement de l'esprit en raison de la découverte d'une ville et d'une région qui m'étaient inconnues. De plus, je viens de vivre un événement pout le mons pénible. J'ajouterai que si je réponds si positivement à votre demande, c'est que je pressens une concordance de nos signes zodiacaux."
Paul ne cachait pas sa stupéfaction. Loin de parler le lanver "93", la jeune fille utilisait une expression très maniérée. On se serait cru dans un livre. Il est vrai qu'on y était en plein.
Bref, au lieu d'aborder tout de suite le style érotique auquel la situation avait incité, voici qu'on était dans le littéraire.
Comment en sortir ?
Certainement pas comme ça va suivre.

OU IL EST QUESTION DE MARCEL PROUST, MAIS TRES FUGITIVEMENT

Paul voulut en profiter.
"Et bien, merci. Je voudrais encore compléter mon portrait en précisant que je suis moi-même un primaire-passif-émotif ce qui correspond au contraire des traits de caractères qui sont les vôtres. Mon embarras est complet quant à savoir si la situation de la complémentarité est supérieure à celle de l'assemblance, ou le contraire, dans la relation entre deux personnes. Peut-être avez-vous un opinion à ce sujet ?
Quoi qu'il en soit, j'aimerais bien passer la soirée avec vous. Je pense que vous trouverez en moi un bon compagnon pour la détente et même un ami si vous le désirez ainsi.

Que pourrions-nous faire ? Je formule la proposition de réaliser un travail collectif sur l'oeuvre de Marcel Proust. Il s'agirait d'analyser dans La Recherche, dans une approche de programmation informatique, les utilisations de la condition et de l'itération et d'en préciser les causes, les usages et les conséquences. N'est-ce pas une bonne idée ? Qu'en dites-vous ? "
"Pardon. ? Je ne saisis pas très bien. Je ne comprends pas ce que l'on recherche, ni ce qui a été perdu."
"Ah oui ,"

UNE DROLE D'HISTOIRE


"Et puis, je dois vous avouer traverser une période difficile"
"Vraiment ?"
"Oui. Il vient de m'arriver une histoire navrante qui me laisse quelque peu déprimée"
"Dans quel domaine ?"
"J'ose à peine le dire. Mais après tout, peut-être qu'en parler à quelqu'un serait une bonne thérapie pour apaiser ce mauvais souvenir. "
" Je vous écoute. Une discrétion totale vous est promise."
"C'est une histoire pénible et scabreuse."
"Je suis désolé pour vous"
"C'est une vraie confidence que je vais vous faire."
"Allez-y."
"C'était le semaine dernière à Paris.
J'étais invité à un dîner intime chez mon vieil ami Oscar. C'est un ami ancien dont j'apprécie la fidélité tout en me méfiant de son esprit libertin.
Le repas se passe très bien arrosé d'excellents vins. La conversation porte beaucoup sur la vie de harem, sur les intrigues de gynécée, en rapport avec mes origines.
Les effets de l'alcool commencent à me faire tourner la tête.
Oscar en profite pour me proposer un jeu que j'ai l'imprudence d'accepter.
Il déclare vouloir me transformer en esclave.
Une étrange cérémonie commence.
Il exige que ma vue soit cachée afin que mon regard n'ait pas l'outrecuidance de croiser le sien, et pour cela, un foulard de tissu noir est serrée autour de ma tête et de mes yeux. Il me signale qu'étant musulmane, l'usage du foulard ne doit pas me déplaire. D'accord, mais peut être pas dans cette situation. Un lien enserre mes poignets réunis derrière le dos. Je suis donc un corps sans âme, un visage sans regard, une chose livrée à ses mains et à son bon vouloir.
Tiens, on a mis un CD sur la chaîne HiFi. C'est Oum Kalsum.
Ca tombe bien, j'adore.
Un espèce de spectacle s'organise.
A mon grand étonnement, de nombreux invités sont conviés. Les voisins du dessus et du dessous, ceux de droite et de gauche, les autres de l'avant et de l'arrière, sont appelés à nous rejoindre. Avait-on prévu la réunion ? C'est tout de même un peu fort qu'on ne m'en eut pas informé. Bon, passons.
Bien que n'ayant pas de connaissance visuelle de la scène, mais à cause du brouhaha ambiant, j'ai conscience d'une grande foule présente dans la pièce et j'en éprouve une forte gêne.
Pourtant, rien de compromettant ne s'est encore produit et dans une appréciation optimiste des événements, rien n'interdit de penser qu'il en sera autrement dans l'instant suivant.
J'ai confiance en mon viel ami Oscar. Quelle naiveté !
Bien sûr, une prévision pessimiste invite à envisager le contraire.
C'est alors qu'Oscar me fait monter sur un tabouret au milieu de la pièce pour que je sois comme une statue sur son piédestal.
C'est "un honneur rendue à ma qualité" et "un hommage décerné à ma beauté" annonce-il.
Un spot à halogène, dont je sens la chaleur, est braqué dans ma direction.
L'exposition de ma personne, le rayonnement de l'éclairage, la timidité de mon caractère se combinent pour me faire monter le rouge aux joues et j'en éprouve une réelle honte. Un début de panique s'empare de ma personne.
En sens inverse, mes yeux cachés par le foulard me procure la fausse illusion que derrière la barrière de tissu, je peux profiter d'une subjective protection.
Voici maintenant qu'Oscar s'emploie à me présenter à l'assistance, comme si nous étions sur quelque marché aux esclaves oriental d'un temps ancien.
Plus précisément, je suis comme Michele Mercier dans "L'indomptable Angélique" de Bernard Borderie, 1941.
"Voici Aïsha. elle est en vacances dans notre ville. C'est une conseillère d'orientation pleine de talent et promise à un grand avenir où les palmes académiques elles mêmes ne sont pas à exclure. Vous pouvez observer que c'est une très belle musulmane qui aime porter le foulard. Une main de fatma accrochée à son cou lui assure la protection de son dieu. Elle adore Oum Kalsum. C'est un rare privilège pour nous de l'admirer."
Ma honte ne fait qu'augmenter sans que les paroles suivantes ne m'aident à l'apaiser.
"Ses lèvres sont un peu surdimensionnées et charnues. L'abondance et le débordement de sa callipygie ne sont pas pour nous déplaire. Elle est très obéissante voire soumise à la fois à son dieu ainsi qu'au sexe opposé, comme l'exige la tradition musulmane. Elle veut bien se soumettre à nos volontés si bien que je peux compter sur son total dévouement pour satisfaire tous les caprices et les demandes que moi-même et vous autres chers amis, voudrions formuler.
Et puis, elle a tout ce qu'il faut pour plaire. Constatez ? Rien ne manque. Il y a les mamelons de Gourmelon. Il y a le grand Canyon avec son piton. Il y  a même l'entonnoir de la fourmillière sans les fourmis.
Comme vous le savez, nous allons procéder maintenant à la mise aux enchères de cette charmante personne. L'adjudication est faite au plus offrant et dernier enchérisseur. L'heureux bénéficiaire pourra disposer librement, et comme il l'entend, de son acquisition.
La mise à prix est d'un niveau très raisonnable.
Pour vous permettre d'apprécier les qualités de l'objet de la vente, nous vous proposons de vous le montrer davantage dans son état naturel ainsi que dans la pratique de ses spécialités."
Passant des paroles aux actes, Oscar entreprend de me débarrasser de mes vêtements, l'un après l'autre, avec davantage de lenteur que de célérité. Il me faut tout enlever à l'exception de mes bas noirs et de mon porte-jarretelle de la même couleur, à cause, expliquez-vous, d'une meilleure mise en valeur de la composition.
Les liens détachés auparavant me sont à nouveau fixés pour attacher mes bras à l'arrière du dos. Cette position a pour effet de rejeter mes épaules en arrière ainsi que de projeter ma poitrine en avant de façon effrontée.
Ma honte ne connaît plus de limite avec ces seins pointés au devant ainsi qu'au souvenir de l'annonce callipyge faite précédemment qui doit ne pas manquer de concentrer les regards sur la partie annoncée de ma personne.
Pour me protéger et pour paraître plus avantageusement mince et ferme, j'essaie de serrer les muscles fessiers, au maximum, tout en doutant de l'efficacité de la recette.
Quelle humiliation !
Ce n'est pas fini. Voilà que pour plus de stabilité, il me fait reposer une jambe sur le premier tabouret et la seconde sur un autre placé à côté. Je suis donc suspendue au milieu, un tantinet béante. Comme dit Guainsbourg : "D'un geste sexe symbole, vous m'écartez la corolle".
J'entends à nouveau sa voix sur fond d'Oum Kalsum.
"Voici une belle fleur qui ne demande qu'à être effeuillée. Vous pouvez venir la contempler de plus près. Vous pouvez toucher si vous en ressentez le désir."
Alors, je perçois le bruit de déplacements furtifs. J'entends la respiration de personnes très proches. Je perçois des haleines chaudes me frôler. Je devine de nombreuses paires d'yeux fixées sur chaque centimètre carré de mon anatomie.
Bientôt, je sens une main m'entrouvrir la bouche, me desserrer les dents, me flatter les lèvres un peu comme on procède avec les chevaux, sur le marché. Puis, pour en essuyer la bave, la main se frotte plusieurs fois sur ma toison noire en haut de mes cuisses, comme sur une serviette. Je me tortille sous la caresse. Des rires s'élèvent.
Une autre main, plus large, me saisit le sein, en jauge la rondeur et la fermeté par des pressions, puis s'amuse avec deux doigts à en titiller le téton doucement au début, puis plus violemment. Le pincement finit par provoquer de la douleur me laissant échapper quelques gémissements. Le manège intéresse les spectateurs dont j'entends les humiliantes remarques.
"Oui, continuez; on le voit se durcir."
"Mais, c'est qu'il a doublé de volume, le coquin. C'est une grosse cerise burlat maintenant."
"Regardez comme il bande le vilain."
"C'est qu'elle aime ça, la salope. Ecoutez comme elle se pâme."
L'ignominie est totale.
J'appréhende de pires châtiments.
Avec juste raison.
Effectivement, voilà que dans le bas, je discerne un doigt qui pénètre ma partie la plus intime. Je n'en éprouve aucun plaisir ni déplaisir mais l'action est tout de même odieuse à supporter et je me demande de quel droit on peut se permettre de telles privautés.
Voici que maintenant, ce sont deux doigts qui s'escriment à m'écarter. Je perçois comme une malaxation de ma protubérance clitoridienne au devant de ma vulve. C'est très énervant. Ca me fait mal. ? Non, ca me fait du bien. J'hésite à choisir.
Du coup, une chaleur se propage dans mon corps me faisant oublier la légèreté de ma tenue mais ne suffisant pas à me faire accepter un traitement si scandaleux.
J'essaie, mais en vain, de me tortiller de façon à tenter d'éjecter l'intrusion ainsi qu'à calmer l'excitation. Mais ces mouvements produisent l'effet contraire. Ils semblent aussi contenter très fort mon manipulateur ainsi que les spectateurs. Des rires de plaisir se font entendre.
Puis, je sens la main m'écarter les grandes lèvres pour bien ouvrir mon orifice et profiter de l'évasement.
Tout d'un coup, dans un mouvement plus brutal qui m'arrache un cri, on plonge trois doigts puis la main entière dans la cavité.
Un grand murmure parcourt l'assistance comme pour marquer l'exploit.
Mission fisting accomplie.
Le héros, sans doute accroupi sous moi, ayant réussi à refermer son poing dans mon vagin me manie comme une marionnette, me faisant pencher à droite, à gauche, me soulevant parfois.
Les coudes écartés pour maintenir mon équilibre, comme emmanchée sur un bâton, je suis un espèce de pantin désarticulé.
J'entends mon manipulateur fredonner :
"Moi,
Moi, je construis des marionnettes,
Avec des ficelles et du papier.
Elles sont jolis les mignonnettes.
Je vais vous les présenter.
L'une d'entre elle est la plus belle......" (Christophe).
Le public manifeste son grand intérêt avec des commentaires guère plus indulgents que les précédents :
"C'est impensable qu'on puisse entrer si gros dans si petit."
"Vous voyez ça ? Son vagin est grand comme une aubergine."
" Après le poing, il parait qu'on peut y mettre le bras, la tête et les épaules."
" What a nice fist fucking ! "
"Quel génie, ce Christophe :"

Paul, haletant, suffoquait.
"Excusez moi de vous interrompre.
C'est que je suis complètement stupéfait de ce qui vous est arrivé.
Ca dépasse l'entendement.
Je ne sais comment vous réconforter.
Cet Oscar est un vrai salaut"
Comment sortir d'une confidence d'une telle intimité ? Que faire ? Que dire ?
Paul était pris de court.
Courageusement, il tenta une diversion.
"Que vous dire pour vous reconforter ! Peut-être comme monsieur Hire à Alice, "J'avais peur de n'avoir rien à vous raconter alors que j'ai tant de choses à vous dire." "
"Vous pensez vraiment ? "
"Je crois que oui.
Voilà.
Je suis allé plusieurs fois en Inde et j'ai éprouvé une grande attirance pour la religion de ce pays. Elle est polymorphe et chacun peut en retirer ce qu'il veut bien y trouver.
Etant donné l'apparence de votre personnalité, je pense que vous prendriez plaisir à la visite du temple de Lakshmana de khajuraho ainsi qu'à celui de Konarak. J'y étais avec ma copine. Ils me paraissent en grande harmonie avec l'état d'esprit qui est le vôtre. Il est probable que vous deviendriez rapidement très proche des mithunas, lesquels ne manqueraient pas de vous proposer de participer à leurs occupations.
A la lumière des étranges histoires que vous racontez, il est probable que vous apprécieriez leur vie naturelle et active orientée vers la gymnastique et la zoophilie.
Par contre, moi, c'est le polythéisme qui m'attire.
Contrairement à l'idée reçue, il me semble un progrès par rapport au monothéisme occidental où le culte de l'unicité laisse apparaître une représentation réductrice de la métaphysique.
Après tout, d'une façon générale, la diversité est plus riche que l'unicité. On se sent moins perdu à plusieurs que tout seul. Enfin, notre propre religion chrétienne pour échapper à son carcan n'invente-t-elle pas une Sainte Trinité ou chacun peut faire le choix de son préféré ?

 

LE RAT DE GANESH

Dans l'hindouisme, c'est Ganesh que je préfère.
Il a une bonne tronche avec sa trompe d'éléphant. D'autres soutiennent, mais sans doute par pur esprit de contradiction, qu'il a plutôt une bonne trompe avec sa tronche d'éléphant. Bref, on vous laisse choisir.
Il est toujours accompagné d'un rat qui fricote on ne sait quoi entre ses jambes. Certains prétendent qu'il lui sert de monture, mais on a peine à croire une chose pareille tellement un si petit animal parait dans l'incapacité d'en porter un si gros.
Il est vrai que Ganesh n'a rien d'un animal, si ce n'est la trompe, et qu'il a au contraire tout d'un dieu, et qu'alors toutes les suppositions sont permises, que par exemple à travers une éléphantesque et gigantesque apparence, il cache un contenu sans pesanteur, comme une baudruche, dirions-nous, si le mot n'était pas péjoratif.
Mais justement, il l'est et il a bien été prononcé. C'est déplorable. Alors, nous déclarons solennellement, ici et maintenant, le retirer, et même exprimer tous nos regrets d'avoir eu la faiblesse de l'utiliser dans un moment de distraction ou de relâchement proprement inadmissible et qui ne se reproduira plus. C'est qu'il faut veiller à rester prudent avec les puissances du ciel, même avec celles du firmament indien dont l'éloignement n'entraîne pas nécessairement l'inefficacité.
Une autre hypothèse serait que Ganesh qui est un dieu, ne l'oublions pas, transmette une force extraordinaire à son compagnon dans le but d'être transporté de façon commode et originale. Ou bien dans celui de pouvoir rester en permanence avec lui dans un grand élan d'amitié. Ou encore, tout simplement, afin d'épater les foules qui n'en demandent pas tant pour jaser sur ce qui ne les regarde pas. Ce rat me préoccupe à plus d'un titre.
Ainsi, il a........"
" Mon cher Paul, vous commencez à me gonfler avec votre hindouisme à la noix et votre rat d'égout. Vous ne pensez pas qu'on a autre chose à faire qu'à parler d'un rat ?
Vous êtes un homme. Je suis une femme. Je vous propose une partie de jambes en l'air et vous me bassinez avec votre Ganesh à coucher dehors, encore que cette perspective dans le parking d'un supermarché ou dans la cour d'une école maternelle ne soit pas sans attrait, en compagnie de Ganesh ou d'autres turlupins d'aussi joyeuse réputation.
Bref, un peu d'initiative que diable "
Paul était très interloqué par cette demande si directe et si triviale et il y avait de quoi.
Aïsha le devina. Elle corrigea le tir dans un registre moins directif et plus littéraire.
" Je vous en prie. Ne soyez pas offensé par ce que j'ai pu vous dire. La forme de mon propos a certainement dépassé ma pensée.
Alors, d'une autre façon, permettez-moi de reprendre les termes de Danielle Darieux dans "Katia" de Maurice Letourneur (1938) : "Ce n'est pas l'impératrice qui vous l'ordonne, c'est la femme qui vous le demande."
Voilà qui changeait tout.
Mais Paul hésitait encore.
" Oui, mais où ça ? "
" Dans ma chambre, à l'Hôtel du Temple."
Du coup, Paul ne sut plus quoi penser.
N'était-ce pas sa vie qui était en train de se répéter ?
La situation devenait parfaitement équivoque. Par une chaleur tropicale, après avoir digéré un bon Goulasch, peut-être allait-il se retrouver sous une moustiquaire ou contre un lingam en train de faire l'amour à une parisienne, laquelle, pour meubler les silences, demanderait : "M'aimes-tu ?" ou "A quoi tu penses ?" ou même "T'as de beaux yeux, tu sais. Embrasse moi".
Paul devenait fataliste toujours avec son ami Proust : "C'est que les choses qu'on cherche à faire sont celles qu'on n'arrive à ne pouvoir éviter".
Il éprouvait une grande sensation de lassitude, de répétition et de confusion.
Paulette, Aïsha, quelle était la différence et après tout fallait-il qu'il y en eût une ?
Jusqu'à présent, il s'était trouvé confronté à un phénomène de dédoublement de la personnalité.
Voici que maintenant deux personnes, à priori bien différenciées, à savoir Paulette et Aïsha prétendaient vouloir se ressembler et même devenir interchangeables au point qu'il serait difficile de distinguer l'une de l'autre, voire l'autre de l'une.
C'était comme Mia Farrow dans "La rose pourpre du Caire" de Woody Allen (1985) qui disait "Deux hommes m'aiment et ce sont les mêmes."
Aïsha insistait encore davantage.
" Excuse-moi de te presser. Viens. Viens me prendre. De partout. De devant et de derrière. En bas et en haut. Des yeux. De la bouche. Du sexe. Prends moi. J'ai très envie de toi. Je veux t'aimer. Je désire que tu sois dans moi. Et très en profondeur. Je ....."
Paul se leva.
Il suivit Aïsha et son destin.
A l'arrivée dans la chambre d'hôtel, Aïsha avait commandé à la réception une bouteille de champagne. Puis elle s'était éclipsée dans la salle de bain tout en recommandant à Paul de se mettre à l'aise.
Elle était reparue éblouissante avec les cheveux détachés et vaporeux et les yeux pétillants. Elle avait revêtu une nuisette noire à demi transparente qui montrait sans équivoque qu'il n'y avait rien au dessous mises à part, pour être plus juste, deux fabuleuses montagnes au sommet desquelles et sur chacune, comme sur un gâteau, était perchée une sorte de grosse groseille rouge.
Ca tombait bien, Paul adorait les groseilles.
Elle s'avança vers Paul qui se trouvait assis dans le fauteuil, se plaqua à lui, lui prit la tête avec ses mains pour la glisser sous la nuisette et la maintenir chaudement sur son ventre, plutôt d'ailleurs en bas qu'en haut.
Paul, encapuchonné sous la mousseline, sans avoir pu faire un geste, sentit sa figure plonger dans une toison abondamment et étonnamment fournie au point qu'il ne se rappelait pas avoir jamais rencontré une pareille épaisseur à un tel endroit. C'était comme une curiosité de la nature, la laine abondante d'un tapis iranien, la végétation pléthorique de la forêt amazonienne, la traîne de feu de la comète de Haley, un édredon de plume d'oie. Jason en personne en eut été comblé.
    Il constata ensuite une sollicitation simultanée de tous ses sens.
Ainsi, bien qu'étouffé dans sa respiration, son nez perçut les effluves de Chanel numéro 5.
Ses yeux ne voyaient que du noir au travers des boucles épaisses la chevelure. On était en Allemagne. En pleine Forêt Noire.
Sa bouche, tout naturellement dans cette position, se trouva ajustée dans un sillon vertical qui naissait au milieu pour sembler se perdre au plus bas. Par un réflexe pas très bien expliqué, sa langue se trouva en position de lécher un espèce de fruit qui se présentait à lui, comme une chair élastique et juteuse offerte à la succion. le goût acidulé était bizarre. Le fruit semblait s'animer et augmenter de volume de façon très excitante. On le mordillait. Pas trop fort. On en faisait le tour avec la langue. Pas trop vite. Aie, les dents claquaient sur un objet dur. A se casser l'incisive ! Qu'était-ce ? Juste à cet endroit ? Ah oui. L'anneau en or que l'on avait entrevu auparavant.
Ses mains s'agrippaient comme elles pouvaient aux fesses callipyges. On y enfonçait les ongles. On en comprimait le rebondi comme sur un ballon. Difficilement, vu la fermeté de la matière. Du caoutchouc ?
Paul entendit au dessus la respiration de la jeune femme devenir rageuse et saccadée jusqu'à laisser échapper un bruit qu'on hésitait à qualifier de soupir ou de gémissement.
Si l'on a bien compté, dans une seule action, les cinq sens qui nous gouvernent se trouvaient sollicités. Une plénitude totale. Une extase parfaite.
L'instant paroxique de libération approchait.
Dans une extase terminale grandiose, avec un énorme soubresaut rageur, dans un effondrement physique et psychologique total, on entendit résonner dans la pièce le fameux appel fondamental :
"Aie, Maman".
Merci Paulette.
Mais non, c'était Aïsha !!!!!
A n'y rien comprendre.
Mais pourquoi vouloir toujours comprendre ?
La nuit se continua. A l'avenant. Somptueuse. Orgiaque. Cathartique.
Mais, stop.
Soyons raisonnable.
Censure.
Respect de l'intimité des individus. Obéissance à la Commission Nationale de l'informatique et des libertés.
Après tout, on n'est pas dans un livre porno.
Encore que !
Alors, on ne va tout de même pas vous raconter le détail.
A moins que vous nous le demandiez.