Castellane - Aiglin

Le GR4 - Castellane vers Grasse

Du samedi 8 août au mardi 11 août 2009

Seul, comme un grand.


Samedi 8 août


Toulon-Castellane-La Garde
   Je prends 3 bus pour aller de Toulon à Castellane via Draguignan et Camps-sur-Artuby.
Arrivée vers 13 heures. Je mange une mauvaise salade de gésiers dans un restaurant de la place. La ville grouille de touristes. L'office du tourisme m'indique le chemin du GR4.
La randonnée commence.
En route pour La Garde. Là, il faut monter plein nord. Je remplis ma poche d'eau à la fontaine. Je ne peux me retenir d'épater quelques villageois assis sur un banc en leur racontant que je pars tout seul à Grasse en pleine montagne. Ca me permet tout de même de consolider mon moral.
Je m'engage plein nord dans un sentier caillouteux de forêt.
Un orage s'annonce. Il tonne et se rapproche. J'accélère le pas pour trouver une aire de plat pour installer ma tente. Rien en vue. L'orage éclate. Etonnant. A Toulon il n'y a pas eu une goutte de pluie depuis 2 mois. J'essaie de monter le tente sur l'étroit chemin très caillouteux. Je n'y arrive pas dans la précipitation et dans la pluie. J'ai oublié le détail du montage. J'aurais du m'entrainer avant de partir. Tout mon bagage est trempé. Moi de même. Itou. Je remballe tout et continue la marche sous la pluie. Première sévère galère.
Ca commence vraiment mal.
La pluie cesse. J'arrive enfin près d'un terrain propice au bivouac. Tout mon matériel est mouillé. Moi aussi (comme Amélie). Un désastre. Je monte ma tente. (photo, le lendemain, au démontage). Je m'aperçois alors que je suis très près d'une ligne à haute tension. C'est peut-être dangereux. L'orage gronde toujours. Je n'ai plus le courage de déplacer le tente. J'essaie de dormir. Sans succès. Je prends un
stilnox.

 

 

Dimanche 9 août

Nord de La Garde- Notre Dame du Désert.
   Lever ver 8H. Il fait beau.
En route vers le stade de neige de Vauplane.
Je n'ai plus d'eau. Pas de source ni de ruisseau en vue. C'est tout de même fort de café en montagne.
A propos de café, aucun bistrot non plus pour prendre un café chaud. Je grignote des biscuits secs.

Je suis sur le Stade de Neige de Vauplane. Il y a une petite maison en haut avec des vacanciers. On me donne de la mauvaise eau d'une citerne. Elle a un gout de rouille. Enfin, c'est toujours ça.
Où est passé le GR4 ? Ca y est, le voilà. Il descend plein Est.
L'après midi avançant, les nuages s'accumulent. L'orage commence à gronder et à se rapprocher.
C'est la mode dans ce pays : L'orage arrive tous les soirs.
A Touyet (toujours pas de café), un villageois sympa me "remet" dans la descente du GR4.
J'enfile ma cape de pluie. L'orage éclate terriblement. Je presse le pas. J'arrive à Ubraye. Juste le temps de m'abriter sous la porte cochère de la première maison en bas du village. Je reste là près de 30 minutes alors que l'orage se déchaine. Un déluge. Voilà qu'il grèle sévèrement maintenant. Ouf.
La pluie diminue. Je monte au centre du village. Ou est le bistrot ? Y-en-a pas. Quelle galère !
Au bout de la place, un passage vouté avec du monde qui s'abrite. Je me joins à l'assemblée.
Il y a un couple à peu près de mon âge avec .....un âne chargé au ras bord. Le couple, genre bobo, super intellectualisé, vient de ....La Turby. Ils vont rendre visite un ami à .......Périgueux via le GR4. Alors là, chapeau ! Comme ils sont très équipés avec leur âne porteur, ils peuvent me donner du pain, du saucisson et du fromage. Sans ça, j'en restais aux biscuits secs puisqu'il n'y a toujours pas de Café. Pourtant Ublaye semble un gros bourg. Sous la voute, il y a une maison hospitalière avec un jeune beau couple très sympathique. Il nous propose du thé chaud. On accepte. Chacun raconte sa vie. La jeune femme attend un enfant. Les randonneurs bobo racontent qu'ils ont 4 enfants dispersés au 4 coins du monde et une ribambelle de petits enfants. Ils n'ont pas revu leurs petits enfants de Colombie (ou du Chili) depuis 4 ans, à la naissance du dernier petit fils.
J'interviens "Moi aussi, j'en ai 4 : Victoire, Paul-Antoine, Madeleine et Joseph".
La pluie s'arrête définitivement. Mon moral est au plus bas (sans nourriture, dans le froid et la pluie). J'envisage même de téléphoner à Daniele pour qu'elle vienne me chercher. Je n'ose pas emprunter un portable à mes nouveaux amis pour une si piteuse raison.
Alors, je repars vers Notre Dame du Désert.
La voilà dans la grande clairière d'une grande forêt. Le site est magnifique. Il s'agit d'un ancien monastère abandonné. (photo 1). Deux fois l'an, il y est organisé un grand pélerinage si bien que les nombreux et grands batiments sont parfaitement entretenus. J'y trouve un grand dortoir avec lits en fer, sommier et même une couverture. Le super luxe. J'étale toute mes affaires pour faire sécher. Je ferme la porte, avec la petite crainte que quelqu'un pourrait l'obturer de l'extérieur grace à un curieuse fermeture extérieure. (photo 2). Il est vrai qu'apparemment, je suis le seul humain de toute cette région. Pourvu que ça dure!!!!
A peine intallé sur mon lit que l'orage éclate, encore plus violent qu'auparavant.
Je suis parfaitement protégé. Il fait chaud sous la voute de la pièce. Je passe une bonne nuit.


  

 

Lundi 10 août

Notre Dame du Désert-Entrevaux-Mauppil

  Toujours pas de p'tit dej. chaud le matin. Ca, c'est très dur. Il fait très beau.
Je descends par un beau sentier de forêt sur Entrevaux. La fin est un peu longue. On croit être arrivé mais le GR4 rejoint la Nationale sur laquelle il faut faire une interminable boucle de détour pour arriver à la ville.
Retour à la civilisation.
Magnifique petite ville touristique avec sa citadelle et ses remparts. (photo 1). Je n'ai pas le temps de visiter le centre médiéval. Dommage. Il faudra que je revienne. En voiture.
Enfin, un bon restaurant face à la citadelle. Bon repas. Je reprends des forces.
Vers 15 heures, je rejoins le GR4.
Au bout d'une heure, le sort étant définitivement contre moi, je prends trop à droite pour cause de GR mal signalé. Je me retrouve dans un ravin. Je pense (à tord) que les marques sont plus à droite (ou à gauche). Je persévère. Le ravin devient de plus en plus impossible. Je décide de remonter sur son rebord, en haut. Le GR4 est peut-être en haut à droite. Espèce d'escalade périlleuse avec mon sac de 10kg en m'accrochant aux arbustes de la paroi verticale. Vais-je me casser le cou ? Objectivement, il y a bien 2 chances sur 3 que ça arrive.
La troisième chance est pour moi. J'arrive en haut. Mais éreinté. Moral à zéro. Toujours pas de trace du GR4. Je fais demi tour et redecends en bas du ravin. Par le haut, cette fois-ci. J'arrive en bas. Ca y est. Voici les traces de GR4. Elles étaient tout à gauche, au départ, mal indiquées et peu visibles. Je reprends un peu de GR4. Ca monte. Je suis très fatigué. Pas d'indication de village avant très longtemps sur la carte.
Je décide de redescendre.
Soit j'abandonne et j'appelle Daniele. Soit je fais du stop sur la route pour rattraper le temps et les forces perdus.
Je fais du stop.
Une jeune jolie et très sympathique jeune femme me prend dans sa rutilente voiture. (photo 2). Genre institutrice. Elle aime la marche. Elle est gaie, très ouverte. Elle est fraîchement divorcée. Comment un homme peut-il laisser échapper une perle pareille ? Elle fait de grands détours pour m'amener à Mauppil. Merci Sara. Je voudrais avoir 30 ans (j'ai un peu plus) pour t'amener diner ce soir à Entrevaux!!!!!!
Au carrefour, les proprios d'une belle villa pleine d'hortentias et de daturas me prêtent (à ma demande) une cuvette et de l'eau pour que je puisse me laver les pieds. Un sanglier passe près de l'orée. Je mange ....des biscuits. Je monte ma tente. Morphée, attends-moi .


    

 

 

 

Mardi 11 août

Mauppil- Aiglun.

Toujours pas de p'tit dej. chaud le matin. Mauvais pour le moral.
Je descends d'un bon pas sur Collongues.
Fais-je le petit détour et la petite montée sur le bourg pour aller y prendre un café ? Ou parté-je tout de suite sur le bourg voisin Les Mujouls pour
le même projet ?
Le dilemme est vite réglé grace à l'intervention d'une sympathique personne qui vient de s'arrêter avec sa camionnette au carrefour Collongues/Les Mujouls. Cette personne est le maire de Collongues en personne.
Il me dit qu'il n'y a pas de ....café à Collongues, ni aux Mujouls.
Il va falloir escalader toute la journée sans manger.
C'en est trop. Ma démoralisation est totale.
Le maire, super sympa, me propose de m'amener en camionnette à Aiglun. J'accepte. Dans la voiture, il me confirme que tous ces supers villages de montagne sont très animés durant l'été avec les propriétaires des résidences secondaires (les vieilles maisons qui ont été retapées par les originaires du pays partis à la ville). Par contre, très peu de résidents permanents. Du coup, pas de commerce. Ni épicerie. Ni bistrot.
On arrive à Aiglun.
Un magnifique restaurant m'offre enfin un vrai repas : La sympathique auberge La Calène. (photo 1). Je vous la recommande.
Je visite le village à flanc de montagne. Les touristes sont nombreux. La spécialité du coin est le canyoning.
Côté Sud, il y a une très haute montagne qui va déboucher après 1 à 2 jours de marche sur Gréolière. Après, il y aura la descente sur Grasse. Auparavant, il faut descendre profond dans le canyon.
Et bien, désolé, cher lecteur.
Je sens votre déception. (moindre que la mienne)
Je ne me sens plus la force d'escalader cette si haute montagne ( photo 2). Toujours sans possibilité de havre et de restauration.
J'abandonne.
Il est 14/15 heures. Je téléphone à Daniele. "Je suis à Aiglun à l'auberge La Calène . Regarde la carte. C'est à l'est de Castellane, au sud d'Entrevaux. Viens me chercher. Tu as 3 heures de route. On rentre ensuite à Toulon."
Daniele dont le sens d'orientation est bien connu prendra la direction de Marseille à l'ouest pour venir me chercher à Aiglun à ......l'est.
C'est la raison pour laquelle elle arrive dans la nuit à ..........22 heures après 6 heures de route.
Moi qui ai horreur d'attendre !!!
En attendant, je regarde les canoyeurs passer et repasser avec ostentation sur la route. Avec leur matériel. Ce sont les seigneurs des vacances!!!
Tout Aiglun est au courant de mes aventures. (plutôt mes désaventures)
J'y ai désormais de nombreux amis :
La secrétaire de mairie qui m'a aidé à téléphoner à Toulon.
Le patron de l'hôtel qui revient d'aller faire ses courses à ....Nice (c'est le plus près) car il n'y a pas d'épicerie ailleurs. Deux fois par semaine, il va remplir sa voiture au supermarché de Nice pour l'alimentation de l'hôtel.
Un couple très parisien super élégant, haut de gamme du bobo, vivant en plein centre l'été, dans leur maison retapée.
Un homme très sympa (un peu plus agé que moi), ancien comédien, sans doute un peu homo. Il veut m'inviter chez lui.
Alors, tout le monde s'empare de mon problème. Il faut que je raconte dix fois mon histoire. Oui, j'habite Toulon. Oui, j'arrive de Castellane, tout seul, à pied. Oui Daniele, qui vient me chercher n'est toujours pas en vue. Elle est pourtant partie de Toulon depuis 3 h, 4 h, 5 h, 6 h. Etonnant, non ?
Sa voiture est peut-être au fond du ravin dans ces routes de montagnes.
Peut-être ne viendra-elle pas ? Elle était furieuse au téléphone d'avoir à venir me chercher. J'explique "Elle déteste conduire les routes de montagne en lacet."
Peut-être désire-t-elle que je demeure ad eternum dans mes randonnées solitaires pour être tranquille dans sa grande maison de Toulon ?
Ah, on ne s'ennuie pas ce soir à Aiglun.
Il fait nuit depuis un bout de temps. Les Aigluniers rentrent dans leur maison.
J'attends toujours, seul maintenant, sur le trottoir.
Daniele arrive.
Enfin.
Alors ?
Elle s'était trompé de côté.....Pour un peu, elle allait me chercher dans le Bordelais.