Nouakchott, été vers 1997

 

Je suis routard au Sénégal : Dakar, Ziguenchor, Saint-Louis.....etc.
Un jour, je prends un bus pour Nouakchott. Je vous passe les détails extraordinaires.
Le soir à Nouakchott, après le dîner dans un resto de la place centrale, je rentre à mon hôtel.
C'est la nuit. La chaleur est un peu tombée.
Je passe devant une belle villa avec un jardin, tout près du centre.
Une sorte de patriarche mauritanien, de grande allure, prend le frais devant sa porte. Un grand notable. On se dit bonjour.
Il m'invite à prendre le thé. A la menthe bien sûr. J'accepte. Un jeune noir, sorte d'esclave, nous ouvre la porte du vaste séjour empli de tapis et coussins avec une table basse au milieu. Il nous installe. Il nous prépare le thé.
Le patriarche, assez âgé, me questionne dans un français approximatif. Sa jeune fille occidentalisée arrive en voiture et participe à la conversation.
D'où venez vous ? Où allez vous ? Comment trouvez vous le pays ?....etc.
Une conversation convenue, répétée maintes fois pendant les voyages.
Puis la discussion prend une drôle de tournure.
Le notable Musulman à l'âge avancé, je le répète, me questionne.
« Et vous, qu'en pensez-vous ? Il y a-t-il vraiment une vie après notre départ d'ici bas ? Vous qui êtes étranger, quelle est votre pensée ? »
Surréaliste.
Le notable ne s'est pas trompé de cible.
« Oh moi, vous savez, je suis de culture chrétienne comme tous mes concitoyens. Et bien, je vais vous dire, tout cru, tout net. Pour moi, Dieu n'existe pas. C'est une création de l'homme. Il n'y a pas de vie après. Comme pour une fleur, un animal, la disparition d'un humain est irrémédiable. C'est comme ça. Il n'y a même pas lieu à s'en désoler. Il n'y a qu'à profiter de chaque minute précieuse et extraordinaire que la vie nous offre pour un temps aussi long. »
Le Musulman ne semble pas hostile à mon propos, Je dois le conforter dans sa pensée. Sans qu'il ne l'exprime clairement. Au delà de toute sa vie dans une société, dans une République islamique.
Instant très extraordinaire. Nous sommes deux êtres humains extrêmement différents lesquels se retrouvent face à leur destin commun.
La soirée se prolonge. Je dis à la fille : « Et vous qui êtes jeune, vous pensez un peu comme votre père ? »
Elle sourit plus qu'elle ne répond, Sans doute que oui, Mais ces choses là ne se disent pas. Surtout en pays islamique. Une femme musulmane a-t-elle d'ailleurs le droit de penser ?
Encore une tasse de thé. Je prends congé.
Quelques centaines de mètres à faire jusqu'à l'hôtel. Il n'y a personne dans la large avenue.
Je crie, je hurle mon émotion de cet instant extraordinaire.
Le lendemain, je prends un 4/4 brousse pour le grand port Nouadibou pour y rejoindre le train minéralier de 2 km de long qui m'emmènera à Zérouate.