Daniele et moi nous marions en juillet 1962.
Nous sommes professeurs dans l'Education Nationale.
Pour nous récompenser d'avoir réussi des concours pas forcément faciles,
le ministère nous parachute à Douai dans le Nord, à la rentrée de septembre.
Un pays plutôt éloigné de nos lieux d'origine à savoir Toulouse
pour moi et Versailles pour Daniele.
Un pays inconnu de nous deux. L'exil. J'en ai le souvenir que la pluie
commence à tomber en octobre et qu'elle ne s'arrête qu'au mois de mai.
J'exagère peut-être un peu.
A cette époque, il existe ce qu'on appelle une crise du logement c'est
à dire que la demande est plus forte que l'offre dans les locations.
Notre premier logement sera donc un affreux boui-boui, près du centre
ville. Un espèce de studio, sans réel chauffage sinon
une cuisinière au charbon servant pour la cuisine et le chauffage. La
cuisinière s'éteint pendant la nuit. On dort avec des pull-over. Il
faut acheter du charbon chez le marchand. Ca tombe bien, Douai est la
ville du siège social des Houillères du Nord.
Pas de chance, l'hiver 1962/63 sera particulièrement froid. La consultation
de l'historique des statistiques météo le confirmerait. Je me souviens
que la température avait avoisiné les - 20 degrés pendant près d'un
mois. L'eau de la ville avait gelé dans les canalisations. Il fallait
aller chercher l'eau dans un seau à un fontaine publique, à quelques
centaines de mètres. Quelle époque!
Notre petit appart. de rez de chaussée était donc infect, un très mauvais
chauffage et sans eau, une seule très petite fenêtre. Mais comme on
était jeune, la vie nous paraissait belle. Pour se réchauffer, on faisait
l'amour sous des montagnes de couvertures. La couette n'avait pas encore
été inventé chez le Monoprix de la grande place.
A chaque petites vacances, on repartait se faire gâter par nos familles
à La Celle Saint Cloud et à Versailles dans la Région Parisienne.
La deuxième année à Douai se présente mieux.
Nous avons obtenu un magnifique deux pièces HLM, rue jean Moulin, dans
une petite résidence très coquette. Une espèce d'HLM de luxe pour l'époque.
Chauffage Central collectif. Quel progrès.
Nous y resterons 4 ans.
La vie est très conviviale dans notre entrée. Notre voisine Madame Crateau
nous initie aux pratiques communautaires. Chaque locataire a la responsabilité
du ménage des parties communes un certain jour de la semaine. Souvent,
elle nous offre de la soupe chaude pour notre dîner.
Le jeune couple du dessus nous fait partager sa vie commune à cause
d'une insonorisation défaillante. Particulièrement dans les W-C . Exemple:
"Paul, m'regarde pas chier comme ça, tu m'emmerdes". Comme c'est bien
dit. Le Paul regarde toujours. Une grande dispute éclate. Peut être
des coups. Puis le calme total. Enfin des coups de boutoir sur le lit
accompagnés de grands cris et gémissements.
La vie dans le nord se déroule normalement.
Au lycée, salle des prof. et ailleurs, il existe deux clans de profs.
Les "locaux", souvent plus âgés, installés confortablement dans leur
maison avec jardin et enfants. Les expatriés, jeunes, souvent du Midi,
qui ne rêvent et qui ne parlent que de mutations. Ca doit être insupportable
pour les premiers. Les deux clans se mélangent assez peu faisant mentir
la réputation de gens du nord accueillants. Avantage de la région: On
peut visiter la Belgique qui est la voisine toute proche. Les primitifs
Flamands sont à la hauteur de leur réputation. Non, plutôt au dessus.
A la frontière, les "boites" belges dont me parlaient mes élèves filles
ont beaucoup de succès car la bière y est moins chère. Les flamandes
sont appétissantes et tout le monde se mélange pendant qu'Adamo s'égosille
à la sono.
On peut aussi "pousser" un peu plus loin jusqu'en Hollande. Les tulipes,
les moulins à vent, le Zuidersee et les Rembrandt du Rijksmuseum sont
pas mal non plus.
La cinquième année arrive en 1966/1967 et sa période de demande de mutation.
Cette année, je vais tricher. Sur les fiches à remplir, je fais l'impasse
sur la profession de ma conjointe. La demande d'un poste double bloque
toute chance de succès. Je risque de rester plus de 10 ans dans cette
région inhospitalière. Comme ma cousine germaine Lucette d'Ax-Les-Thermes
(09), laquelle à sa sortie de Normale Sup de Chatenay Malabry, fut envoyée
à Albert dans la Somme. Elle s'y mariera puis y restera une quinzaine
d'années avant de redescendre à Avignon.
Arrivera ce qui arrivera.
J'ai le droit de demander 5 destinations. Voici mon choix:
1) Nice
2) Toulon
3) Perpignan
(Vous avez compris, j'aime la Méditerranée)
4) Toulouse.
5) Montpellier.
Usant de tout les moyens pour partir de cette région maudite, je me
porte candidat au poste de censeur/proviseur dans les lycées. Après
audition par le recteur ou un inspecteur d'académie, je ne sais plus,
je suis admis sur la liste d'aptitude.
Juin arrive et les résultats des demandes. Coup double pour moi. Je
suis demandé comme censeur au grand Lycée technique d'Etat de Nancy
et obtiens une mutation de prof. dans un lycée à Toulon.
Cruel dilemme.
Le soleil, la plage, le bien vivre d'un côté.
le pouvoir, l'arrivisme, le carriérisme de l'autre.
Encore aujourd'hui, je ne sais pas si j'ai pris la bonne décision?
Vous qui me connaissez, que pensez vous que fut mon choix?
Je choisis Toulon.
Il y a eu 2 moments où ma vie a basculé et où elle
aurait pu être totalement différente.
Le premier est à mon retour du Service Militaire.
Il me fallait repartir de zéro pour ma vie professionnelle. C'était
en juin 1960.
J'avais alors joué sur deux tableaux:
En premier, la préparation du concours Capet qui avait lieu en
septembre pour devenir professeur d'Economie et gestion dans l'enseignement
secondaire. Je me souvenais de deux copines à Paris, Gisèle
Martinetti d'Ax-les-Thermes et Mado Andreu de Seix, qui étaient
étudiantes en Normale Sup à Cachan dans une rare spécialité
de comptabilité et Gestion. Pourquoi ne pas faire pareil? J'étais
donc allé pleurnicher au Centre d'Enseignement par correspondance
de Vanves pour qu'on veuille bien me donner tous les cours de préparation
du dit concours.
"Je reviens d'Algérie. Je veux préparer un concours
de prof."
J'étais reparti lourdement chargé et je m'étonne
encore que l'administration française, qui plus est celle de
l'Education Nationale, ait pu être si généreuse
et si compréhensive à mon égard. Merci, Centre
de Vanves et surtout merci à la personne qui prit la décision
de m'aider alors que la suite de ma carrière m'a montré
que les petits responsables ont plutôt la pratique de l'abus du
pouvoir et le mépris du personnel.
Je rentre à Paris.
Je m'installe à sa demande chez ma copine Monique qui travaillait
comme infirmière le jour à l'hôpital Saint Antoine,
pendant que j'apprenais tout seul la comptabilité et les mathématiques
financières avec mes livres et mes cours dans son appart. Pas
évident!
Le hasard de le vie m'a souvent rejeté dans la catégorie
d'autodidacte: Pour le bridge, pour le voilier, pour le tennis, pour
la ........comptabilité.
Monique rentrait du travail. Je cessais le mien. On faisait l'amour.
On sortait "en ville" retrouver un tas d'amis.
Excellent souvenir que cette première expérience de la
vie de couple.
J'avais aussi un plan B qui consistait à partir fin septembre
en Angleterre pour y passer une année ou plus pour apprendre
la langue de Shakespeare (comme on dit).
Avec l'Anglais et la Comptabilité, je serai armé pour
aller guerroyer dans l'Entreprise Privé.
J'avais téléphoné à ma cousine Annie pour
avoir le No de Margaret, sa correspondante anglaise de London avec laquelle
j'avais quelque peu flirté à Foix dans des vacances antérieures.
Et voilà que mon anglaise, une belle rousse, s'était démenée
pour moi en me trouvant un logement pas cher et des cours de français
à donner sur place. Juste pour que je puisse me prendre pour
Gérard Philippe dans "Monsieur Ripois" de René
Clément.
Au retour d'Algérie, avec mes économies de Sous Lieutenant,
je m'étais acheté une 2 CV Citroen toute neuve. J'avais
donc effectué toutes les démarches pour partir en Angleterre
avec ma voiture. A cette époque, je me souviens qu'il fallait
obtenir un "tryptique", document voiturier de transfert d'une
voiture à l'étranger. L'obtention de mon tryptique montrait
bien la consistance de mon projet.
D'autant que je me donnais peu de chance de succès pour mon concours.
Et bien vous le savez. J'ai réussi le concours.
J'ai donc annulé au dernier moment mon séjour en Angleterre.
Mon anglaise rousse que j'avais déjà installée
dans mon plan de vie à London a du me prendre pour un de ces
frogmen fantasque, imprévisible et inconstant.
Ce n'était pourtant pas le cas.
Bref, c'est un moment où ma vie a basculé dans une option
alors qu'elle aurait pu être totalement différente. Le
hasard.
Pour revenir en arrière, mon choix de partir à Toulon
plutôt qu'à Nancy est un deuxième moment où
ma vie a basculé. Les deux projets étaient très
différents.
Ai-je eu raison de mon choix? Ai-je eu tord? Je me suis souvent posé
la question. Je n'en sais rien encore aujourd'hui.
Que n'eussiez vous été présents pour me donner
conseil.
J'arrive donc à Toulon en septembre 1967.
Daniele n'a bien sûr pas pu obtenu de poste dans le Var.
Elle reste toute seule à Douai. Elle prendra pension chez nos amis Docco.
Nous quittons l'HLM.
Notre fille Agathe, qui a 2 ans est gardée par mes parents à La Celle
Saint Cloud Yvelines.
Autant dire que nous avons une famille dispersée. Pas de chance, c'est
moins à la mode qu'une famille recomposée.
De plus Daniele est enceinte de notre deuxième fille qui doit naître
en mai 1968.
Du coup, à Toulon, je me trouve une location qui se veut provisoire.
C'est notre 3ème logement. Un affreux petit appartement, plein nord,
au 6ème étage sans ascenseur, rue Gimelli près de la gare.
Pour voir le soleil, il faut descendre dans la rue.
Daniele me rejoindra en septembre 1968 grâce aux événements
de mai ayant généré la création de nombreux postes et avec l'aide de
Mr Roustan.
Ce nouvel appart. est vraiment triste.
Heureusement, nous devenons très ami du couple de concierge , les Hyppolite,
qui nous accueillent et nous initient à la vie provençale avec grande
chaleur humaine. Remerciements leur soient rendus ici. Ils nous apprennent
la pétanque, la cueillette des champignons à l'automne, celle des asperges
sauvages au printemps, le soutien au RCT au stade Mayol, la confection
d'un aquarium extraordinaire chez eux. La vie est rythmée par la désolation
de la mort épisodique de petits poissons.
Quand on revient de faire les courses au marché, avec Agathe en plus,
il faut monter les 6 raides étages. Je prends alors notre fille sur
les épaules, Daniele se chargeant des provisions.
Mais j'en ai marre des locations.
J'achète sur plan un appartement de 120 m2 à la Goélette, dans un futur
immeuble de 20 étages dans le quartier Port de Plaisance. Prix: 14 millions
de francs de l'époque. Nous serons au 10ème étage.
Du coup, nos week end sont occupés par la visite de la construction
en cours.
Bien sûr, on n'a pas le droit d'entrer sur le chantier mais il n'y a
personne le dimanche pour nous empêcher d'enfreindre l'interdit.
Il se construit environ un étage par mois. Au bout de 10 mois, on arrive
au 10ème. On est chez nous. C'est l'extase au milieu des parpaings.
Attention à ne pas tomber dans le vide. "Agathe, ne nous lâche pas la
main"
L'immeuble se termine au 20ème étage. Encore beaucoup de finitions.
Le 1er janvier 1970 (date facile à retenir), nous rentrons comme propriétaire
dans notre quatrième logement.
Et bien, on ne s'est pas trompé.
L'appartement est magnifique.
La Goélette est à 50 mètres de la mer, les pieds dans l'eau, face à
la magnifique rade de Toulon.
Au 10ème étage, la vue est très belle. Non, extraordinaire.
La mer est toujours "changeante" comme l'a écrit Valéry.
"Elle danse le long des golfes clairs" comme le chante Charles Trenet.
La vue est animée. Des bateaux passent devant nous, en permanence. Ce
sont les canoéistes qui sortent du port pour s'entraîner à la
rame. Ce sont les voiliers du week end qui vont à Porquerolles le samedi
matin. Ce sont les croisiéristes de la Corse de la SNCM, plus tard de
Corsica Ferry de mon ancien ami Pascal Lota. Ce sont des bateaux de
guerre de toutes sortes, des sous marins aux portes avions.
Les premières années, il y a le cuirassé Jean Bart, accroché au quai
d'honneur qui finit sa vie en attendant d'être envoyé à la casse. Le
pauvre. Quel spectacle!
Nous assistons à son départ pour son cimetière alors qu'on aurait du
le conserver pour en faire un musée.
Notre séjour donne à l'ouest. Les chambres sont à l'est.
La vue est ........sonore. En ouvrant nos grandes baies vitrées, on
entend le clapotis des vagues contre la digue. Un bruit toujours différent
selon la force du vent et donc des vagues.
Les jours de grand Mistral, il y a un bruit de tempête impressionnant.
L'immeuble va peut-être s'écrouler. Il semble craquer de partout. Heureusement,
nous avons pleine confiance en notre ami Alain Castel, l'ingénieur qui
a construit le bâtiment. Il habite le 18ème, côté B. On se réfugie parfois
dans les chambres pour retrouver plus de calme. Si ça empire, on téléphonera
à Alain.
120 appartements, ça fait à peu près 350 personnes. C'est comme un village.
Je connais presque tout le monde.
Nous y avons de nombreux amis de nos âges ou plus âgés.
Marithé M., bretonne très chaleureuse, la reine du Roumazaf dont le
super sympa mari Hervé travaille chez la Shell au Gabon.
Elle est une routarde comme nous, encore que, par souci d'élégance,
elle préfère dire qu'elle est une voyageuse.
Devenue notre amie, elle nous permet encore maintenant de goûter l'extraordinaire
vue sur le Rade, ainsi que son somptueux ......roumazaf.
Racontons ici une histoire peu banale,(à mon goût) avec Marithé.
Vous connaissez Salvador Dali? Oui?
Il prétendait entre autre que le centre du monde se trouvait à la gare
de Perpignan.
C'est faux.
Dali est un imposteur.
Dans mes multiples voyages, je l'ai trouvé ailleurs le centre du monde.
Pas en terre catalane.
Pour le rejoindre, il faut prendre un avion pour Bamako. Il faut descendre
le Niger en croisant les hippopotames. Il faut arriver à Mopti, pas
loin du Pays Dogon. Il faut descendre au port sur le Bani.
Là, au bout d'un promontoire pas possible, comme un bec sur le fleuve,
il y a un grand RestoCafé qui domine tout le port et le paysage.
Une situation unique. Je ne me souviens plus du nom du troquet.
C'est bien là le Centre du Monde.
Le spectacle y est vertigineux.
Le port présente une animation extrême avec les couleurs bariolées des
marchandises, l'activité des pêcheurs et de tous les autres corps de
métiers, les cris des enfants ou des belles Maliennes vendeuses dans
de petits marchés éphémères. Des odeurs de sel, d'épices, de poissons
se mélangent dans la chaleur africaine.
De notre promontoire, on regarde les grandes pirogues chargées comme
ce n'est pas possible partir pour leur destination. Bientôt la pirogue
sera aussi haute que longue tellement le chargement est important, enveloppé
de ses cordes. Des grappes humaines sont accrochées aux ballots.
Le suspense est total. Le bateau va sûrement se renverser. Avec grand
effroi, on regarde avidement pour assister à la chute. Un peu comme
dans un Prix de formule 1 où l'on craint et espère l'accrochage spectaculaire.
Plusieurs pirogues partent au même moment. La collision est possible.
Et bien, non. Le miracle se répète à chaque fois.
Les pirogues prennent leur élan. Leur équilibre se maintient parfaitement.
Le maître piroguier est trop habile pour qu'il en soit autrement.
Moi qui regarde, assis confortablement à la terrasse du Café, j'ai affronté
une grande peur.
Je reprends ma canette de bière en attendant le prochain départ tout
proche.
Quelle émotion!!!!
Et bien, comme je suis un peu vantard, un jour, en visite chez Marithé
à la Goelette, je racontais l'histoire de Mopti avec ce café du promontoire
que j'étais le seul (où presque) à connaître.
Je m'entends répondre:
"Ah oui, tu veux parler du Café Bozo"
Alors là, je suis soufflé.
Le nom m'est revenu. Oui, c'est bien le Café Bozo.
Et Marithé le connaît parfaitement et l'apprécie comme moi. Elle y a
mangé le même poisson du Fleuve que moi.
Ca alors!!!!
Quelle surprise!!!!!!!
Je n'en reviens pas.
D'autres amis à la Goelette:
Fanny C. un peu excentrique qui nous avait fait croire que son prénom
était Felinka. On l'a appelé ainsi pendant six mois.
Simone que nous inviterons un été à ....Tournefeuille.
Ginette F. , de la grande propriété viticole Laumérade à Pierrefeu.
Jean R. numismate et présidents du conseil et du C.I.L.
Claude P.T. pharmacienne d'origine versaillaise que Daniele avait connue
au Lycée Hoche.
Mr C. retraité de la bijouterie portant son nom. C'est la bijouterie
No 1 de la ville, Boulevard de Strasbourg, où toutes les bonnes familles
se fournissaient pour les cadeaux de mariage ou éventuellement pour
un bijou offert à une conjointe que l'on avait trompée en secret. C'est
un ancien Président du Rotary de Toulon qui "reçoit" dans son ....7
pièces du 20éme ses amis parmi lesquels le maire, le Président Trésorier
général ....etc. C'est un dragueur impénitent. Malgré son grand âge,
il fait la cour à Simone qui frétille de bonheur avec son Mr Galantos.
Et bien d'autres encore.
Quelques années plus tard, il va se construire la grande double piscine
municipale tout près de chez nous. Un certain jour, travaillant à mon
bureau, j'entends un grand bruit de cognement suivi d'un tremblement
de l'immeuble. Je cours à la fenêtre. Une grande grue vient d'être renversée
par le Mistral et a rebondi sur le mur de notre immeuble. Le grutier
est mort. J'ai filmé la scène en super huit.
Ensuite, on assiste à l'aménagement d'un grand square de bord de mer.
Je deviens Président du conseil syndical de notre immeuble ce qui me
permet de me disputer amicalement à la Pagnol avec notre syndic , Mr
Loudet.
Puis Président du C.I.L. du Port de Plaisance.
Plus tard encore, je serai même élu Président de la Fédération des C.I.L
de l'est (près de 25 C.I.L). Le maire est aux petits soins avec moi
depuis que je suis devenu un ........relais d'opinions.
Pas de chance. La date de cette ascension est mal tombée. Voilà
que je déménage, je quitte la Goélette pour le quartier La Serinette
"appartenant" à un C.I.L. politiquement ennemi. Je dois démissionner
de mon poste. Ma carrière présidentielle et fédérative est donc terminée.
18 ans se passent à Goélette. Nos filles y font leurs études de l'Ecole
Primaire de Bazeille au collège Ravel, puis au Lycée Dumont d'Urville.
18 ans c'est long.
C'est Daniele la première qui a des fourmis dans les jambes ou plus
trivialement le feu aux fesses.
Elle décide qu'il nous faut acheter une maison. Pourquoi pas?
Pendant 3 à 4 ans, nous allons visiter des villas dans tout Toulon.
Au total, ce seront une cinquantaine qui nous dévoileront leur intimité.
Aux agents immobiliers, nous avons demandé une grande maison ancienne
"de caractère": Une dizaine de pièces. Un très grand jardin. Pas très
loin du centre. Avec une belle vue, si possible la mer.
C'est très drôle les visites. On fait connaissance de beaucoup de quartiers
auparavant inconnus. On découvre des décorations, le plus souvent très
affreuses.
Corniche du Faron, la piscine a le plancher...fendu. A Darboussèdes,
les émaux de la salle de bain sont rouges vifs.
A l'inverse, au Cap Brun, une dame possède tout de même une trentaine
de Baboulène, sur les murs. Et la grande bâtisse de l'amiral Sanguinetti
toujours au Cap Brun a bien du charme avec sa serre en ferronnerie 1900.
Une première maison, rue Kléber , quartier Vert Coteau, nous intéresse
vraiment. C'est la demeure d'un ancien grand architecte de Toulon. Un
séjour remarquable avec de grandes fenêtres et de grandes colonnes de
stuc marbré à l'intérieur. Une espèce de tour sur le côté avec 2 étages
et énormément de pièces. Une surface habitable autour de 300/350 m2.
Un jardin important avec des dépendances dont un garage .....blindé
datant du temps de la guerre. D'énormes travaux à faire pour remettre
le tout en état.
Comme Perrette, nous faisons le projet d'installer une résidence "universitaire"
dans la tour.
L'agente immobilière devient une copine. Elle est très compétente comme
il se doit et très fantaisiste comme on l'aime.
Comme on est fin octobre, on part en vacances à Tournefeuille, en Haute
Garonne. Ca nous donnera le temps de réfléchir. Là bas, on décide d'acheter
la maison.
De retour à Toulon, on appelle notre copine immobilière pour lui faire
part de notre décision. O.K. Elle nous rappellera. Le lendemain, mauvaise
nouvelle. La maison a été vendue directement par le propriétaire à un
demandeur qu'il connaissait, à un prix assez nettement inférieur à celui
de l'agence. On insiste. Le patron de la conseillère vient nous faire
signer chez nous une offre d'achat au prix maxi envisagé pour essayer
de rattraper le coup. Il n'y réussira pas.
Terminé. Adieu Vert Coteau.
On recommence les recherches.
Cette fois, c'est une grande bâtisse un peu disparate avec une série
de vérandas brinquebalantes dans le quartier 4 Chemins des Routes à
l'ouest de Toulon qui nous attire. Il y a beaucoup de terrain en restanques
descendantes, au sud. 2.000 à 3.000 m2 de terrain. Au loin, très belle
vue imprenable sur la rade de Toulon et donc la mer. Sans être totalement
emballés, nous casons ce nouveau plan dans les "possibles".
Cette fois-ci, un agent immobilier nous amène visiter une super grande
maison avec piscine, boulevard Clamour, une avenue que nous ne connaissions
même pas. C'est l'habitation de "Josette", une femme d'affaires connue
à Toulon, notamment pour exploiter la Brasserie "l'Oasis",
Place de la Liberté. Les mauvaises langues disent que la réputation
de la tenancière est plutôt sulfureuse. Des "créatures" seraient éventuellement
très aimables avec les clients.
La maison est assez chère et son environnement a l'inconvénient d'être
trop bétonné. Le ciment a remplacé l'herbe. L'intérieur est rigolotement
plutôt kitch avec des dizaines de tableaux. Dès qu'il y a un mur, Josette
y fixe des tableaux. Pas de chance. Que des croûtes. La quantité
mais certainement pas la qualité. Ca ne vaut pas les Baboulène de Cap
Brun. Bref, ce n'est pas notre tasse de thé.
On exclue la propriété de notre choix.
Mais en sortant de la visite, boulevard Clamour, grand éblouissement.
Deux maisons plus bas, une maison importante, genre 1900, entourée de
8 palmiers centenaires, avec un grand terrain montant jusqu'en haut
de la colline nous fascine.
Je dis à Daniele: "C'est une maison comme ça qu'il nous faudrait." Six
mois passent.
Un mois d'octobre à nouveau, coup de téléphone de Monsieur Bosc de l'agence
immobilière Mistral. Mr Bosc, vieux routier du métier, est un de nos
professionnels préféré qui nous a déjà fait beaucoup visiter et qui
a une idée assez précise de notre envie.
Il nous emmène voir un nouvelle grande maison.
L'avez-vous deviné?
C'est la fameuse maison avec les palmiers qui s'appelle d'ailleurs "Les
Palmiers", boulevard Clamour, quartier La Serinette.
Mr Bosc nous explique. Elle appartient aux R. qui l'ont achetée il y
a 4 ans, en 1984, à la Famille Le G. qui la détenait depuis 1936. La
vieille dame disparue, les 2 héritiers dans la mésentente s'étaient
résolus à vendre cette maison de maître et les 5.000 m2 l'entourant.
Trois lots seront constitués: Une grande partie du terrain où un lotisseur
construira 4 maisons au bas de la colline. Un lot autour de la maison
de gardien. Un lot avec la grande maison et plus de 1700 m2 de terrain.
Mais voilà que les R. ne s'entendent plus et veulent se séparer.
La maison est en vente.
Nous la visitons. Elle comble nos désirs. Tout l'intérieur a été refait
avec un goût certain. Il faut dire pour notre chance que Madame R. tient
un magasin très connu à Toulon de ventes de meubles anglais et d'objets
de décoration.
Deuxième visite avec notre amie Marianne Bencivengo. Positive.
La dessus, les vacances scolaires de la Toussaint 1987 arrivent.
Nous partons pour .....Tournefeuille.
La vie n'est-elle pas un éternel recommencement?
Nous revenons à Toulon.
Coup de téléphone à Mr Bosc.
"Nous avons décidé d'acheter la maison."
Grande déception.
Un autre acheteur s'est-il manifesté?
L'Eternel Retour?
Nietsche en compagnie de Madeleine Sologne?
Non, même pas.
Mr Bosc nous dit: "Les R. se sont réconciliés et ont retiré la propriété
de la vente"
Mais il ajoute, fin psychologue : "Mais ça ne m'étonnerait pas que la
maison réapparaisse sur le marché dans quelques mois."
Quatre mois se passent.
Appel téléphonique de Mr Bosc en février. Les R. sont de nouveau en
séparation. La maison est de nouveau à la vente.
En 2 jours le contrat est signé.
Pendant que l'encre des signatures sèche, Mme R., un rien comédienne,
va pleurnicher dans la cuisine. Mr R., grand seigneur, débouche une
bouteille de champagne.
Nous sommes propriétaires des "Palmiers".
Nous allons nous y plaire énormément.
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