Une double imprudence en 1954.

 

Je suis étudiant à Paris.
Je ne sais pas comment, mais voilà que l'idée m'est venue de suivre le cursus de Préparation Militaire Supérieure. Alors que j'étais à l'époque très stupidement anti-militariste. Ca devait être à la mode.
Avec mon ami Gérard, pendant 2 ans, nous allons nous rendre, chaque samedi après midi, au Château de Vincennes pour y suivre les cours de tir, de maniement des armes, de topographie, de combat, bref d'instruction militaire ....etc.
Il faut dire que notre idée est finalement géniale. Elle nous permettra à l'issue de l'obtention du diplôme de PMS d'entrer directement en école  d'EOR  (Ecole des Officiers de Réserve) pour en sortir aspirant ou, mieux, Sous-Lieutenant.
A l'issue de chacune des 2 années de formation, un stage d'une semaine dans un camp militaire de la région parisienne nous prépare à un examen final pour le diplôme.
En cette année 1954,en début du mois de juillet, je suis donc au camp de Frileuse pour la semaine et l'examen de deuxième année. 25 km à l'Ouest de Versailles.
Je m'y suis rendu avec ma fidèle Lambretta m'assurant la liberté de déplacement.
A la Base, le travail se termine à 18h. Après, nous avons quartier libre.
Je ne sais plus si c'était autorisé, n'empêche que le soir, chevauchant mon scooter, je rejoins Paris pour aller passer la nuit avec mon amoureuse du moment. Le matin, je reviens dare dare.
Je me rappelle qu'il faisait très chaud mais que le soir, en scooter, le vent apportait du froid. Ce n'étais pas pour inquiéter ma folle jeunesse.
Bref à 2 jours de la fin du stage, j'attrape une bronchite/angine et me retrouve avec 40 de fièvre à l'infirmerie. Impossible de passer l'examen dans 2 jours.
A l'infirmerie du camp, de façon totalement imprudente, on se débarasse de moi et je rejoins en Lambretta l'Hôpital de la Cité Universitaire pour m'y faire soigner. J'y resterai quelques jours sous antibio en convalesscence.
En même temps, j'ai appris que je pouvais passer l'examen de sortie de PMS du stage suivant le mien.
La semaine suivante, je me rende de nouveau au camp de Frileuse passablement affaibli.
Toutes les épreuves se passent de façon satisfaisante. Voici la dernière: un parcours du combattant.
l s'agit d'un itinéraire de 2 à 3 km avec des obstacles invraisemblables, le tout chronométré.
Je suis plutôt sportif à l'époque (ainsi qu'aux suivantes) surtout dans les courses. C'est pas ce petit parcours qui est du genre à me faire peur.
Donc , je fonce de toutes mes forces restantes pour faire un bon chrono.
J'arrive à la ligne d'arrivée totalement à bout. J'ai "tout donné".
Alors là, je suis mort. J'ai le coeur qui bat à 140, 180, 200 je ne le saurais jamais. Mais je suis très mal, ça je le sais.
Je sors du groupe et m'enfonce dans la forêt avoisinante pour que personne ne voit ma détresse. C'est ma façon de fonctionner. Je ne vais pas afficher ma faiblesse.
Mon coeur frappe à grand coups. Cela ne m'était jamais arrivé. Ca dure plusieurs longues  minutes. Ce coeur va-il tenir ? Suspense. Bof, il est jeune. Il est vaillant.
Bref, ça claque ou ça guérit ?
Effectivement, le rytme se ralentit enfin. Encore quelque minutes et le battement deviendra presque normal.
Je sors de ma forêt et rejoins le groupe. Personne n'a rien vu et ne saura jamais.
Et bien si. Avec cette page, ce "secret" est dévoilé.
La morale de cette histoire est que j'avais fait une sacré double imprudence d'abord en forçant au maximum après mon hospitalisation et ensuite en me cachant et m'isolant  dans une situation cardiaque qui eut pu être périlleuse.
Mais ça, c'est moi. De la stupidité et ...de l'audace.
N'empêche que 2 ans plus tard, je faisais Les EOR à Coetquidan en Bretagne et que je sortais sous-lieutenant.