Je commence mon service militaire, durant 5/6 mois,
à l'Ecole des Officiers de Réserve (E.O.R) pour la raison que j'avais
passé antérieurement l'examen de la Préparation
Militaire Supérieure (PMS).
Normalement, l'E.O.R se tient à Saint Maixent Deux Sèvres ou surtout
à Cherchell en Algérie mais face à l'abondance de la demande, l'Etat
Major a décidé d'envoyer une promotion se former dans la grande école
des officiers d'active à Coetquidan. Ce sera la seule. Une belle expérience
pour moi.
Nous bénéficions des même officiers formateurs que nos collègues professionnels.
Nous expérimentons les mêmes mamelons, talwegs, forêts qu'eux, en Bretagne.
Nous participons avec eux à des défilés protocolaires en l'honneur d'une
sommité militaire de passage.
Je réussis assez bien mes examens de fin de stage et le Grand jour arrive.
Les autorités réunissent toute notre promotion d'environ 350 jeunes
dans le grand amphithéâtre de Coet.
En fait, je ne connais que 40 à 50 de tous mes collègues : Les trente
de ma section plus quelques autres.
Nous avons reçu notre No de classement. Je suis environ 40ème.
Sur l'estrade, sont disposés de grands panneaux avec le nom de 350 affectations.
Les 2/3 pour des postes de combat en Algérie.
L'Officier oganisateur prend le micro. Il explique la procédure à suivre.
On va nous appeler individuellement par ordre décroissant du
classement.
La cérémonie commence.
« Sous Lieutenant X, major de la
promotion, faite votre choix »
C'est un de mes copains dont je ne me souviens plus le nom. Il est étudiant
en Lettres, je crois, et exerce incidemment un métier d'artiste imitateur
avec talent.
Tout le monde retient son souffle. Le suspense est total. On sait que
notre ami a subi la pression des colonels et généraux qui souhaitent,
pour l'exemple, qu'il choisisse un poste de combat en Algérie.
Notre ami se lève et dit « Je choisis Berlin » C'est le seul poste proposé
dans cette ville, à l'Ambasssade de France. Evidemment le plus prestigieux
sur les longues listes des tableaux. Stupéfaction totale. Un silence
de mort dans l'Amphi. Un vent de panique, comme une tempête.
Le second de la promo va sauver l'honneur. Celui des autorités militaires,
pas forcément le notre ou en tout cas pas le mien. C'est un grand blond
étudiant sortant de l'Ecole de Journalisme de Lille. Je ne le connais
pas à la différence du précédent. Il choisit un poste pas possible,
perdu dans le plus profond du Bled en Algérie. Un frisson d'admiration,
de crainte et de refus nous transperce.
Ensuite, les 10 postes en Afrique noire que je convoitais s'arrachent
comme des petits pains. Puis quelques postes en Algérie et d'autres
en Allemagne.
Maintenant c'est mon tour. Tout est disponible sauf Berlin et l'Afrique
noire. J'hésite entre Mayence en Allemagne ou le 4ème Rima à Fréjus.
Vous qui me connaissez, quel choix pensez vous que je vais prendre ?
Je choisis les plages de la Côte d'Azur.
Et bien, je ne me serai pas trompé. Une vie de rêve.
Une histoire à Saint Raphaël, en fin de séjour. Je suis donc instructeur
de jeunes recrues que l'on va envoyer en Algérie à la fin du stage.
Le travail d'instruction dans la journée. La descente à Saint Raph.
le soir, avec notre quartier général dans la boite très à la mode l'Embassy.
Musique italienne, Beaucoup de Chacha. C'est la musique du moment. Pas
encore les Platters.
En cette fin d'été, depuis peu, j'ai un nouveau flirt. Je ne me souviens
plus de son prénom. Très sympa. Très gentille. Une des meilleures danseuses
de Chacha de l'Embassy. D'origine portugaise, elle travaille dans une
banque. Son frère est étudiant en médecine à Marseille.
Une nuit, à deux heures du matin, on sort de l'Embassy. Je raccompagne
ma copine. On entre dans le couloir de son immeuble. La minuterie s'éteint.
On s'embrasse, on se tripote comme d'habitude. Très chaud.
Tout à coup, la porte de l'immeuble s'ouvre. Un homme entre, petit,
tout de suite très en colère. C'est le père de ma copine. Peut-être
cherchait-il sa fille à cette heure avancée ?
L'homme est fou de rage. Il sort un couteau et s'avance vers moi, menaçant.
Sa fille se jette entre nous deux. Le couteau dérape et.........blesse
le père qui perd son sang et ne sait plus quoi faire.
Voilà que maintenant le père se déchaîne à nouveau. Il frappe violemment
sa fille à coup de.......parapluie sur la tête. Je m'interpose. Je parlemente
pour calmer le forcené. Je ne veux pas de mal à sa fille. Je suis quelqu'un
de très bien. Même un officier au 4ème Rima. Il ne faut pas s'énerver
comme ça.
Le père exige que l'on monte tous les trois s'expliquer dans l'appartement.
On s'exécute. Il veut voir mes papiers ........d'identité. Pourquoi
pas ? Oui, j'ai bien une carte …...d'officier. Non mais quoi, alors.
La fille fait un pansement au bras de son père. Le calme revient un
peu. J'affiche un sang froid, un fair-play exemplaire qui m'étonne moi-même.
Finalement, la raison l'emporte. Tout le monde se calme.
Je peux partir donnant le sentiment que j'ai chevaleresquement bien
maîtrisé la situation.
Le lendemain soir, à l'Embassy, je retrouve mon flirt. C'est certain.
Ca crève les yeux. Elle est définitivement très amoureuse de moi.
Pas de chance, 10 jours plus tard, après un séjour de 14 mois à Fréjus/Saint
Raphaël, je prends le bateau pour Alger pour aller faire la guerre
en Algérie.
Très triste.
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