Anaïs, c'est ma mère.
Par quoi commencer ?
Ah oui, une histoire abrégée de sa vie.
Elle est née en 1909 à Ax-les Thermes dans l'Ariège
Son père léopold Ferrand vient de Vaychis à
quelques kms. Il mourra jeune (avant 1930) si bien que je ne le
connaitrai pas. Bizarrement, on n'a jamais parlé de lui dans la
famille. Un secret ? Il semble avoir laissé un mauvais
souvenir. Peut-être était-il un buveur ? Peut-être
trompait-il sa femme (une femme de tête dévote et gentille
qui prit l'hôtel en charge) ?
Sa mère Peyre venait d'Ascou. Egalement dans le voisinage.
La famille Ferrand exploite l'hôtel de Bordeaux depuis le début
du 20ème siècle. C'est le plus grand Hôtel de la
ville qui reste ouvert toute l'année.
Ensuite, de nombreux hôtels se construiront dans la petite ville
qui va devenir une station thermale réputée. Plus de 80
sources thermales sourdent dans la ville, l'une d'entre elles
atteint la température de 80 degrés. La compagnie
des Thermes va construire et exploiter 4 grands établissements
thermaux au cours du siècle.
La famille a 4 enfants: 3 filles et un garcon.
Par ordre d'âge, il y a Odette future institutrice non
mariée après avoir perdu son fiancé à la
guerre de 1914.
Henriette qui est frappée de déficience mentale.
René le garçon qui poursuivra brillamment la
carrière d'hôtelier de l'établissement Audoye à Foix. Le deuxième
Hôtel de la ville (le premier étant la Sarbacane).
Ainsi que de l'hôtel de Bordeaux d'Ax qu'il a
récupéré.
Anaïs, ma mère, est la petite dernière qui entrera
à l'Ecole Normale de Foix. Elle en sortira majore, future
hussarde de la République. Elle exercera sa carrière dans
les écoles maternelles rapidement au poste de Directrice
d'école à Montaillou (09), Bonnétable (72),
Thouars (79), Paris au gré des nominations de son mari,
directeur adjoint de l'enregistrement.
En 1931, l'hôtel de Bordeaux accueille un nouveau pensionnaire,
Déïs Servat (mon père) qui commence sa carriere de
surnuméraire dans l'enregistrement à Ax-les-Thermes. Il
fait la conquête de la fille de l'hôtelière et leur
mariage se passe à Ax en 1932, ainsi qu'on le voit sur la
grande photo de famille. (voir photo de famille).
En 1933, elle a un premier enfant: C'est moi. En 1940, un second, semble-il non désiré, mon frère Michel
Elle meurt relativement jeune, elle qui n'avait jamais
été malade. D'une tumeur cancéreuse à
l'âge de 79 ans en 1988. Elle est enterrée dans le tombeau
familial du cimetière de Tournefeuille.
Pour décrire ma mère, j'emploie souvent le terme de Sainte Femme.
Sa vie est dictée par le notion de Devoir.
Elle a le devoir de veiller au bonheur de son mari et de ses enfants.
Elle s'y emploie pleinement avec grande réussite.
Elle est est un peu une mère pour tout le monde.
Excellente cuisinière (bon sang ne saurait mentir), elle
prépare à mon père "les plats qu'il aime". Ce n'est pas toujours facile car
Déïs est du genre "difficile". Il n'aime pas ceci. Il
préfère cela. Sa référence est les "pommes
de terre échutes" que lui cuisinait sa grand'mère et que
personne au monde n'a su reproduire depuis. Beaucoup de repas sont
l'objet de récréminations injustes. C'est pas assez cuit.
Ca l'est trop. Tu sais bien que je n'aime pas ça.
D'autre part, un rituel de la famille est l'organisation de repas familiaux avec 15
personnes où toute l'assemblée confirme qu'Anaîs
est bien une cuisinière hors pair avec ses foies gras fait
maison, sa charcuterie aromatisée de l'Ariège, ses
bouchées de ris de veaux, ses omelettes
norvégiennes....etc. On y mange à l'ancienne avec
profusion de plats. On y boit de même. Par exemple du Jurançon.
Anaïs est aussi totalement dévoué à ses
enfants. Elle raconte que'elle aurait bien voulu avoir une famille
nombreuse mais son mari était plutôt pour un enfant unique
dans l'option égoiste de ne pas partager avec des enfants
les soins et l'amour que lui portait son épouse.
Ma mère, donc, était aussi une femme obéissante.
Dans le machisme de l'ancien temps, elle acceptait pleinement le devoir
d'avoir à se vouer à la satisfaction de son mari, lequel
en était très conscient et n'hésitait pas à
le dire et à la remercier à l'occasion. Mais, tout en
étant le meilleur des braves hommes, il compensait en
excerçant à la maison une certaine tyranie
domestique. Personne n'est parfait.
Anaïs fut bien sûr le dévouement en personne pour ses
enfants. Bien que dépourvu d'une certaine tendresse. Ce qui
prime pour elle, c'est faire son devoir. Et l'on ne doit pas montrer
ses sentiments. Il est sans doute profondément acquis que
l'on s'aime, que l'on est dévoué les uns aux
autres. Ce n'est pas nécessaire de le dire ni de le montrer. Pas
de calinerie inutile avec les enfants.
Etant institutrice, elle a la charge de m'aider dans mon travail
scolaire. Enormément: En lecture, en écriture, en
calcul...etc. Je suis bien sûr 1er de la classe pendant toute
l'école primaire. Bourdieu n'aurait pas été
content.
Dans la vie, elle fut toujours présente surtout dans quelques
moments difficiles pour moi et pour mon frère Michel mort
à l'âge de 40 ans des suites d'un cancer du poumon. Ma
mère, accompagnatrice jusqu'au dernier jour, en fut inconsolable.
Une amie à elle et à notre famille expliquait que
c'était cette mort si pénible qui avait racourci sa vie.
Sans doute vrai.
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