Juillet/août 1987. Juillet/Août
1987
Daniele et moi faisons un nouveau magnifique voyage.
Paris-Hong Kong en avion avec le Point Mulhouse.
Retour 5 semaines plus tard Beijing-Paris par le Transibérien via Moscou
et Berlin.
Entre temps nous traversons la Chine à notre convenance, l'obligation
principale étant de ne pas rater le Transibérien du retour, un certain
jour, à une certaine heure, en gare de Pékin.
En 1987, la Chine est celle "d'avant". D'avant l'essor économique. Par
exemple à Shanghai, l'îlot des grattes ciel en face le Bund n'existe
pas. Les 3 gorges du Yangzi sont intactes. La vie est simple et rude.
Les magasins sont vides. Le régime est communiste.
Je raconterai peut être ce voyage dans une autre page mais ici je veux
relater une histoire cocasse qui nous est arrivée au cours de notre
périple.
Ca y est nous avons traversé toute la Chine par nos propres moyens.
Superbe. Un petit saut en avion de Canton à Guling. Le train jusqu'à
Chongqing. Le bateau de Chongqing à Shanghai sur le Yangzi en traversant
les 3 Gorges et leur site grandiose. Les 3 gorges n'ont pas encore été
anéanti par les travaux du barrage. Le train pour Pékin, escale
à Nankin. Ouf.
Nous sommes maintenant une petite semaine à Beijing, le temps de visiter
la ville ainsi que la Grande Muraille à 80 km.
Notre hôtel étant un peu éloigné du centre ville (La Cité Interdite),
nous devons chaque jour faire un petit trajet de 2 à 3 km pour rejoindre
ce Centre. Nous l'avons fait à pied. Nous l'avons fait en vélo de location
ce qui est très rigolo. Nous l'avons fait en Bus Municipal ce qui n'est
pas déplaisant non plus.
Ainsi, un jour, nous choisissons l'option Bus.
C'est très folklo. Il faut d'abord réussir l'épreuve de rentrer à l'intérieur
du véhicule. Cela se pratique par la porte arrière. Il y a foule. C'est
la loi de la jungle. Celui qui pousse le plus fort et celui qui est
le plus rusé entre en premier. Sinon, on risque de rester sur la chaussée.
Nous nous débrouillons très bien. Ensuite, debout dans le couloir. Il
va de soi que nous sommes les seuls étrangers dans l'autobus. Ah non!
Une exception aujourd'hui. Il y a avec nous un jeune routard japonais.
Il est très élégamment habillé, de façon moderne, ce qui
est la règle pour les personnes de sa nationalité. Il mesure plus de
1,80 m ce qui rare pour un nippon. Il est très sympathique et nous échangeons
sourires, conversations et connivence.
Le bus démarre. Aux arrêts, un va et vient d'entrants et de sortants
nous bouscule quelque peu.
Justement, à un certain arrêt, la bousculade est plus forte qu'à l'accoutumée.
Un chinois me pousse de l'arrière, me passe devant et se précipite
vers la sortie, brutalement.
En même temps que le bus redémarre, je porte la main à ma poche où j'ai
rangé ma monnaie. L'équivalent de 4 ou 5 euros en rimimbis. Surprise,
je viens d'être délesté de mon argent. Mon bousculeur était un petit
voleur.
Sans trop réfléchir (Quelle immense erreur!!!!!), j'avertis à grands
cris les 2 responsables du bus de "l'affreuse horreur" qui vient de
me frapper.
Bien sûr, pas un seul chinois ne parle ni le français, ni l'anglais,
ni .....l'espéranto mais tout le monde a tout de suite compris ce qui
m'était arrivé. Le langage des gestes. Le jeune japonais nous fait un
sourire.
Les 2 responsables sont la guichetière/caissière assis dans une
petite cage de verre à l'arrière du véhicule et le conducteur. Ils ne
rigolent pas du tout. Ils prennent la situation en main. C'est à dire
qu'ils bloquent le car presqu'au milieu de la chaussée et ferment hermétiquement
toutes les portes.
Nous prenons conscience que nous venons de déclencher un cataclysme
qui va nous dépasser. Trop tard.
Nous essayons d'expliquer que l'on se fiche complètement des 5 euros
et que l'on désire que le bus reprenne sa route. Peine perdue. On est
entré sans le savoir dans un roman de Kafka. La difficulté va-t-être
d'en sortir.
Tous les passagers du car, dont nous même, sont désormais des prisonniers.
Tout autour de notre véhicule, une foule importante nous encercle, attirée
par cet événement extraordinaire. Les distractions sont
rares en régime communiste. Par ce temps de grande chaleur, près de
40°, les fenêtres sont restées ouvertes. Les passagers y passent la
tête et discutent avec les gens de l'extérieur. De grandes conversations
se déroulent, en chinois bien sûr. Il y a beaucoup de rires, de grandes
exclamations. On en devine le sens rien qu'à l'intonation.
"Qu'est-ce qui se passe?"
"Ce sont deux étrangers qui viennent de se faire voler"
"Où sont les voleurs?"
"On ne sait pas".
"Pourquoi restez-vous au milieu de la chaussée?"
"Le conducteur a bloqué les portes"
"Pourquoi?"
"On attend la police"
"Sont-ce des américains?"
"Non, ce sont des français"
Au bout d'une demie heure, deux policiers se présentent. Ils recueillent
les premiers éléments de l'enquête. Auprès du chauffeur, de la guichetière,
des témoins, de nous-même, encore que nous n'avons pas de langue d'échange.
Une bonne heure se passe.
Une voiture arrive avec un chef de police plus important. Le processus
d'enquête se répète. On attend à nouveau. Nous sommes toujours
là, prisonniers dans notre bus depuis près de 3 heures. Les chinois
du bus ne rigolent plus. Tout le monde est assommé par l'extrême chaleur.
Heureusement, nous, nous avons notre grande bouteille d'eau minérale
qui ne manque jamais de nous accompagner dans nos déambulations. Le
japonais a l'air de souffrir.
Un remue ménage des autorités policières se produit. Des ordres claquent.
Le bus redémarre. Enfin.
Une petite course nous conduit dans la grande cour vide d'un important
Centre de la Police. On stationne au tout milieu. Les portes restent
toujours fermées. Pas le droit de descendre. La chaleur est suffoquante.
La grande rigolade et les commentaires sur la situation ont laissé place
à un grand silence de fatigue. On attend, on ne sait pas quoi.
Après Kafka, voici Buzzati.
Tout à coup, un grand bruit dans notre bus. Le japonais vient de s'écrouler
sur le sol, inanimé. Comme il est grand, ça prend toute la place.
On le relève. On le réveille. On le réconforte avec un verre d'eau.
Les autorités décident alors de faire descendre du car les 3 étrangers.
On se retrouve dans la cour, libre de se dégourdir les jambes, de s'asseoir.
Ouf. Un grand progrès.
Un civil important arrive. C'est un interprète chinois/anglais que l'on
attendait pour faire l'enregistrement de la déposition.
On répète une énième fois que l'on désire ne rien déposer du tout. Pas
de plainte. On se contrefiche du vol de nos 5 euros/rimimbis. On veut
seulement partir, quitter ce commencement de goulag. D'ailleurs la nuit
tombe rapidement. Nous sommes prisonniers depuis 4 voire 5 heures sans
avoir rien à nous reprocher. Mais n'est ce pas la règles dans les goulags?
Si.
Nous aussi risquons de tomber de fatigue. Le japonais (qui se trouve
un peu mieux) l'a déjà fait. Il faudrait aussi penser à libérer
tous ces chinois prisonniers dans le bus et qui n'ont rien demander
à personne. Tout du moins aller contrôler s'il n'y a pas quelques
morts dans le lot.
On ne nous écoute pas.
L'interprète nous conduit dans le bureau d'un encore plus important
Chef de Police.
Tout va alors assez vite. Nous racontons en anglais notre malheureuse
histoire. L'interprète traduit. Le Chef policier écrit laborieusement
le rapport (en chinois). Il nous fait signer (en latin).
Il nous libère.
Je ne me rappelle plus comment on est reparti et où. Sans doute au Centre
Ville pour aller nous remonter le moral dans un restaurant........chinois.
A notre départ, la piétaille chinois du bus était toujours prisonnière.
C'est à se demander si elle n'y est pas encore aujourd'hui. Par oubli.
Par absence d'un paragraphe de règlement permettant sa libération.
Quelle histoire!!!!!!!!!
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