Grasse - Aiglun du samedi 17  au mardi 20 septembre 2016

Maintenant ou Jamais. 

Dernier exploit sportif dans ma vie.

Oui, j'ai fait Grasse-Aiglun (et donc Grasse-Manosque).....mais......


Préambule
En 2007, j'ai commencé un petit exploit sportif: Parcourir le GR4 provençal en treck, seul, avec un sac de 10/12 kg comportant ma tente, mon duvet, ma polaire, 2 litres d'eau, des provisions, la pharmacie ....et. A midi ou le soir, j'essaie de trouver un village avec un resto pour manger un bon repas. A la nuit, je m'arrête dans un plat propice et herbeux pour planter ma tente. N'importe où. Très chouette. La liberté totale.
J'ai donc fait un premier tronçon sans difficulté Castellane-Gréoux les Bains en traversant les magnifiques gorges du Verdon ainsi que les champs de lavande de Moustier.
En 2009, j'ai parcouru un second tronçon Castellane-Aiglun avec la difficulté de ne pas trouver de bistrot pour boire et me restaurer, exception faite d'Entrevault.
A Aiglun, je m'étais trouvé devant une terrible et impressionnante montée sur Gréolières des Neiges. J'avais "flanché" et  abandonné mon idée de finir le parcours jusqu'à Grasse. J'avais alors appelé Daniele au téléphone laquelle était venue me chercher en voiture depuis Toulon.

Ma grande erreur fut de ne pas faire les tronçons manquants la troisième ou quatrième année. D'autres projets m'avaient sans doute occupés.
Bref , depuis des années, cette idée de ne pas avoir fait les tronçons de début et de fin du GR4 me trottait dans la tête.
Et  bien en 2015, j'ai réalisé le petit tronçon d'une vingtaine de km avec très peu de dénivelée Gréoux-Manosque. Environ 4/5 heures de marche. Très facile. Une rigolade. Une occasion de visiter au passage et auparavant la magnifique Basilique de Saint Maximin.
En 2016, je décide de parcourir Grasse-Aiglun. Le denier tronçon.
je partirai de Toulon en voiture. Je la laisserai dans un parking à Grasse.
Pas de chance. Ce tronçon s'avèrera le plus difficile de ce GR4 provençal.

Les photos de ma personne que je prendrai et vous montrerai ne seront pas à mon avantage et pour plusieurs raisons. Je sors d'un rendez-vous chez mon dermato et il m'a brulé le visage à l'azote à plusieurs endroits. Une horreur. j'ai des croutes partout. Ensuite, mon dentiste vient de m'enlever une incisive et j'ai un trou béant sur le devant de ma denture. La réparation n'arrivera qu'en octobre. Enfin, pour me protéger du soleil (sur le conseil du dermato), j'ai choisi au dernier moment un espèce de chapeau de brousse que je trouve très moche.  Mais il a l'avantage d'avoir de larges bords utiles pour me protéger du soleil. Pourtant, c'est un article américain très cossu de marque Gap. Je l'avais récupéré dans un treck ancien, perdu par un randonneur en pleine montagne. C'est qu'en rando, on perd, on trouve. Il faut alors essayer d'équilibrer la balance.
Je regrette beaucoup de n'avoir pas pris une casquette.
La difficulté de mon projet est que j'ai désormais ....83 ans. Je n'arrive pas à le croire. Mon sac fait toujours 10/12 kg et ce sera un petit (non, un grand) calvaire de le porter.
Toujours le même système: Je suis autonome et plante ma tente le soir où ça me chante. Une nouveauté cette année. J'emporte un téléphone portable et pourrai communiquer en cas de besoin ou pour le plaisir. Et bien la guigne. Le portable va tomber en panne de carte sim le second jour !!!!!!!

Bref, à mon âge, je tente une folie, une inconséquence, voire un exploit digne du Guiness-book.
Voyons comment les choses se sont passées.



Samedi 17 septembre. Grasse/Caussols
Toulon-Grasse en voiture.
Je trouve un petit parking au départ de la route Napoléon pour garer la voiture. Le GR4 part derrière les tennis. Il est 14 heures. Je commence (photo 1) une très longue montée jusqu'au col du Clapier. 1257 mètres (2). Environ 800 mètres de dénivelée. Pas mal pour la première demie-journée.
En redescendant du col, sur le plateau de Caussols,  je parle à un chasseur, à l'affût, sanglé d'un gilet orange fluo. Il me montre sa maison dans le lointain du paysage. Un peu plus bas, un second chasseur en gilet orange fluo. Moi, sans gilet fluo, j'éprouve maintenant la crainte d'être pris pour un sanglier. J'arrive tout de même sain et sauf à Caussols.
On m'a prévenu. Il y a une mairie et une boulangerie toutes neuves. La boulangerie est tenue par une jeune femme blonde qui ouvre à 6H30 et ferme à 19H. La malheureuse ne semble pas être concernée par la loi des 35 heures. La vie est d'une grande injustice. La boulangerie, très connue dans la région, comme un espèce de point de ralliement, fait aussi épicerie et bistrot. J'y prends un excellent café avec une tarte aux myrtilles (3). Puis, je vais monter ma tente tout près, un peu caché derrière un taillis (4).Je partage ma couche avec Morphée. Une présence féminine est toujours la bienvenue.




 

Dimanche 18 septembre. Caussols-Gréolières.
Réveil vers 7/8 heures. Café crème bien chaud et gateaux à la boulangerie. Les chasseurs y viennent prendre leur pain frais. Je replie ma tente.
Rude dénivelée dès le départ. je m'arrête parfois pour reposer mon dos tellement le sac semble lourd.
En haut, rencontre de Stéphane. Il habite près de Grasse et, par cette belle journée ensoleillée, il part passer la journée en montagne avec un bon bouquin à lire. Il m'accompagne pendant une heure et demie sur le plateau de Calern pour avoir le plaisir (réciproque) de parler avec moi ainsi que pour me montrer le chemin. Très sympa Stéphan . On se prend en photo.(1) (2).
Maintenant, sur le chemin, un beau cairn me montre la direction.(3)
J'arrive à Cipières. J'entre pour déjeuner dans un petit resto très ambiance.(4) Il est tenu par un couple écolo. La dame fait la cuisine. Le mari s'occupe de la salle. La cuisinière limite à 12 le nombre de repas. Dommage. Une atmosphère St Germain des Pré d'après guerre est très intellectuelle et agréable: Musique de ...Juliette Gréco, belles photos de (ou genre) Doisneau aux murs(5), peintures abstraites....etc. J'ai le tord de ne pas prendre le civet de lapin et de me contenter des tomates (6) du jardin.
Après le repas, une nouvelle dénivelée en montée jusqu'au col puis descente et remontée sur Gréolières. Je dépasse le village pour monter ma tente dans les ruines de Saint Etienne (7) pour m'abriter un peu sous des toits de tôles ondulées étant donné que l'orage menace.(8) Le GR4 remonte tout à côté.
En haut, une falaise très haute. Un promeneur genre très portif,sympa, la trentaine,  m'accoste. Je le renseigne:
"Oui, je "fais" Grasse/Aiglun en rando. Oui, j'ai 83 ans et veux intégrer le Guiness Book" (que j'exècre par ailleurs). "J'en ai marre de monter et descendre des dénivelées vertigineuses. Vivement que ce soit fini.".
Le GR4, il connait. Il a fait Grasse Castellane.
Il me dit.
"Vous voyez, tout droit en haut, un peu à gauche. Une croix en bois."
"Ou ça?
"Tout en haut de la falaise."
"Oui".
"C'est là que vous franchissez la crête".
Stupeur. Une montée et un passage impressionnants.

 


lundi  19 septembre. Gréolières-Greolières des Neiges.
Rude ascension. J'arrive à la croix(1). D'autres montées se succèdent à n'en plus finir. La montagne de Cheiron à gauche (2) On est encore loin du sommet. Il arrive tout de même. Je redescends sur Grolières des Neiges en me trompant à cause du GR4 mal indiqué. La montagne toujours magnifique. Je la chante avec Jean Ferrat: "Que la montagne est belle". C'est pour elle qu'on est là.(3) (4)  J'arrive fourbu à Gréolières des Neiges.
Sur un  parking, Alain et Nicole (5) sont à l'arrêt avec leur tout neuf camping-car Fiat dont ils viennent de prendre livraison. Je leur demande de remplir ma poche à eau. Ils m'offrent café, gateaux, pomme. Ils ont l'air effrayé de mon entreprise après que je leur eus indiqué mon âge. Ils ont raison. Grand merci à eux.
Je quitte la route goudronnée pour commencer la descente effrayante sur Aiglun. Ca commence à descendre très dur. Pas d'endroit pour installer une tente. Si, voici un petit belvédère (6). Plein de roches. Aiglun est en face, planté sur son éperon rocheux. Entre les deux, un fabuleux ravin et sa rivière au fond. J'arrive à planter ma tente dans les cailloux (7). Quelques biscuits pour manger. Ma fatigue me coupe l'appétit. Stupide. Ce n'est pas en me privant de manger que je vais reprendre des forces. Fin de journée en compagnie de mon stilnox.





Mardi 20 septembre. Belvédère-Rivière d'Aiglun.
Au matin, Repli de la tente sur le belvédère (1). 
Je ne sais pas pourquoi (ou plutôt si), ma descente m'épuise. Je suis obligé de m'arrêter tous les quarts d'heure pour reprendre des forces. Vers la fin, ça devient un peu plus facile. J'arrive à la rivière tout en bas. 
Une magnifique eau bleue laiteuse (2). Il y a une belle route nongoudronnée. Je jette mon sac sur le côté. Je suis très fatigué. Un panneau (3) m'indique Aiglun à gauche, Pont dont j'ai oublié le nom, à droite.
Je vais reconnaître la droite. Une maison bric à brac au dessus de la rivière. J'appelle. Pas de réponse. Je reviens à ...mon sac. Je repars à gauche. Tiens, un pont qui franchit la rivière pour monter ensuite sur Aiglun. Sacrée montée.
Je reviens au sac. Il me faudra repartir à gauche. Il est environ 14 heures.
J'ai le moral à zéro. Ma fatigue m'a coupé l'appétit. Je n'ai toujours pas faim. Les biscuits me dégouttent.
La suite de l'aventure semble facile. Me reposer quelques heures. Manger ma dernière boite de paté. Repartir doucement sur Aiglun par la route.
Ou bien, planter ma tente près de la rivière et repartir reposé le lendemain matin.
Le destin va en décider autement. Avec l'apparition de Saint Nicolas et Saint Cyrille.
Ce sont 2 jeunes  pompiers
(la trentaine d'années), qui utilisent une semaine de vacances pour faire le GR4 comme moi. Les seuls randonneurs de grand vol rencontrés depuis le départ. Ils viennent comme moi de descendre le GR4 pour arriver à la rivière. Ils me disent avoir dormi plus haut que moi, forêt de la Gironde. Peuve que je n'ai pas chômé dans ma descente.
Ils me voient l'air un peu hagard, titubant quelque peu pour rejoindre mon sac.
Je ne peux leur reprocher de s'inquiéter pour moi. Je leur dis mon âge ainsi que mon angoisse à devoir remonter sur Aiglun. je ne prends pas conscience que ma difficulté à reprendre le chemin est somme toute passagère et que ma priorité est de me reposer 2 à 3 heures. Bref, la solitude est aussi une épreuve à surmonter.
Nicolas répare mon portable en remettant ma carte sim en place.
Mais voilà qu'il craint pour ma santé et ma sécurité. Il me propose d'appeler un 4/4 pour me ramener à Aiglun. Chouette. J'accepte. Il envoie Cyrille téléphoner 2 km plus loin étant donné que le signal ne passe pas dans notre creux de vallée. Cyrille revient. Il n'y a pas de 4/4 disponible. Par contre, il a trouvé un hélicoptère qui va venir me chercher. Ca alors!!!!!.
Mon destin n'est plus entre mes mains. Je laisse faire Nicolas et Cyrille.
Une demi heure plus tard, un  hélico se pose dans un mouchoir de poche près de la rivière. On va m'amener à l'hôpital de Grasse.
Adieu à Nicolas (3) et Cyrille qui vont reprendre leur GR4.
Dans l'hélico, le jeune médecin sympa, Benoit, me fait un électrocardiogramme. Pas de problème.
Arrivée à l'hôpital (4). Transfert aux urgences. Re-életrocardio. Radio des poumon. Contrôle du sang. Tout est correct.
Je passe la nuit à l'hôpital à me reposer.
Le surlendemain, Daniele revenue de Paris, vient me chercher à l'hôpital en compagnie de nos amis Hubert et Chantal. Retour à Toulon.
Le jeudi nous repartirons dans la voiture d'Hubert à Abriès, Queyras, dans sa grande et belle maison, pour passer un excellent weekend dans la grande réunion des 12 amis de la cagnotte  bridge.
Ca me reposera et ça me changera les idées.